C'est dimanche, il est 9h35 et quelques...
Depuis le milieu de la nuit, je suis perdue, réveillée, endormie, les voix que j’entends sont-elles réelles, je cogite, j'angoisse, arrive 6h puis 9h, c'est bien la radio qui a fonctionné toute la nuit... et là mon subconscient se prépare, à anticiper, à se lever pour préparer un bon thé du matin et être fine prête au lit pour le 10h du dimanche à FI, yeahhh.

C'est dimanche, il est 13h et quelques...
Et je suis encore au lit, dans état intermédiaire... J'ai fait mon thé, j'ai écouté mon émission, j'ai tenté de bouquiner, me suis rendormie, ai comaté. J'ai loupé, comme les deux jours précédents, le festival du film d'aventure... Soit je reste comme ça et je continue, la journée durant, à comater/dormir/culpabiliser/angoisser... soit je trouve l'inspiration pour me bouger. J'ai trouvé, je vais aller voir Imitation Game qui joue à l'Alcazar à 13h50. Faut donc que la mammouthe édentée quitte son mode mémé, et que ça saute !

Le film : 1940, Alan Turing, mathématicien, cryptologue, est chargé par le gouvernement Britannique de percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma, réputée inviolable.Imitation game

Sans y aller à reculons, ce n'était pas le film que je souhaitais voir en priorité et je redoutais un peu le biopic à l'hollywoodienne sur fond de 2 GM... hugh ! Non, j'avoue, la vraie motivation est toute autre comme, par exemple, la peur de comater toute la journée au pieu entre essai de lire en vain et sommeil non assumé, tout cela sur fond d'angoisse réminiscente... Donc, me secouer et pas trop loin (moins loin que mon putain de festival...) était d'abord à visée salvatrice !

C'est dimanche, il est 15h50 environ...
Hé bien, étonnamment, ce film m'a touchée, bouleversée, interrogée... plus que d'autres que j'ai pu voir récemment et desquels j'attendais pourtant de l'être sans l'avoir été...

Je retiens 4 grands axes d'intérêt dont l'articulation reste plus ou moins possible, plus ou moins souhaitée...

Imitation game

- évidemment, le domaine de la recherche scientifique et la spécificité de ce champ-là que sont les maths et la cryptologie... ce qui a mené à l'invention de l'ordinateur et de l'informatique ! D'aucun diront que l'explication est (trop) mince mais, pour moi - de peur de ne rien comprendre de plus - cela m'a suffit. Et puis... finalement, ce n'est peut-être pas l'objet principal du film.

- le contexte dans lequel évoluent ces chercheurs, l'impact et l'application directe de leurs découvertes dans un contexte exceptionnel tel que celui de la Seconde Guerre mondiale, le va-et-vient obligatoire entre des logiques totalement différentes, entre l'humain et l'Humanité, impliquant une approche froide et analytique, effrayante. Comment, en effet, utiliser ce nouveau pouvoir sans attirer l’attention de l’ennemi, et ainsi qui sauver ou non du feu allemand ? (oublier ici la touche mélo du film...)

- le parcours individuel et personnel du génie en question à qui on suce toute l'énergie dans une logique et une pression de production et de rendement dignes de nos temps "modernes", pour le plus "noble" objectif qui soit en temps de guerre et tout cela, à tout prix ou plutôt à un prix... Un homme, Alan Turing brillamment Incarné par l'acteur Benedict Cumberbatch, qui fut un héros de l'ombre au service de son pays et qu'on est capable, mission accomplie et guerre terminée, de lyncher en toute anonymité, sans aucune reconnaissance...

Robotisé, seul et souffrant et qui semble éclairer le destin de cet être à part, jamais bien dans son époque : homme du futur, ouvrant la voie aux nouvelles technologies, sacrifié au nom de lois héritées d'un passé archaïque. Condamné en 1952 pour homosexualité, contraint d'accepter une castration chimique pour échapper à la prison, il se suicide en 1954. En 2009, le Premier ministre Gordon Brown présente des excuses au nom du gouvernement britannique pour la manière dont Alan Turing fut traité. En 2013, la reine le gracie à titre posthume. En 2015, c'est un grand acteur qui, en l'incarnant, lui rend hommage. (Télérama)

- le sujet de la différence, quoi de plus actuel ?? Comment être différent - parce qu'on est associal voire autiste, parce qu'on est homosexuel - dans des sociétés qui ne réagissent à la différence que par le rejet, la violence, l'exclusion voire l’extermination ? Comment vivre ensemble en faisant de ces différences de vraies richesses, en les écoutant, en communiquant, en écoutant, en valorisant la singularité dans ce qu'elle a d'enrichissant pour le collectif sans que celui-ci ne se réduise à une masse autocratique, réductrice et meurtrière ? Hautement philosophique : " est-ce parce qu'on pense différemment qu'on ne pense pas ? "

- J'ai oublié un 5e axe auquel je suis pourtant très sensible :
La femme du film, Joan Clarke, une jeune femme brillante et avide de liberté que Alan Turing demande en mariage pour l'extraire de son carcan familial conservateur... Témoignage poignant d'une société qui ne conçoit pas une femme comme "cerveau", d'un "couple" original, pionnier, novateur et progressif qui s'épanouit dans l'échange intellectuel nonobstant ou bravant les cadres sociétaux...

- Enfin, deux choses pour conclure : 1) j'aimerais pouvoir lever le doute sur l'existence réelle de cette femme... j'ose espérer qu'elle n'est pas là dans le film juste pour "faire vendre"... 2) je regrette un peu qu'il n'ait pas été dit ce que les autres membres de l'équipe sont devenus...

Icône main Imitation Game, réalisé par Morten Tyldum (norvégien), avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode. Musique d'Alexandre Desplat, d'après l’œuvre de Andrew Hodges.

Icône main Télérama, par Frédéric Strauss.
Icône main Les Inrockuptibles, par Jacquy Goldbeg.
Icône main Libération, par Clément Ghys, bien plus critique.

Imitation game - Alan Turing
Le mathématicien Alan Turing © Denis Van Waerebeke/The Pepin Press BV.

En tous cas, après ce film à l'affiche, un documentaire explore la vie passionnante d'Alan Turing, façon de réhabiliter ce mathématicien fantasque dont le rêve de construire un cerveau artificiel s'est concrétisé dans le décryptage des communications secrètes de l’armée allemande et, ce-faisant, peut-être décidé du sort de la Seconde Guerre mondiale... et pourtant traité si odieusement jusqu'à le mener au suicide.

Icône vidéo Comment les maths ont vaincu Hitler, réalisé par Denis van Waerebeke, ARTE, France, 2014, 60 min (Arte+7: 22.02-01.03.2015) et Alan Turin, un génie dans la guerre (Arte future).