La Panik d'Asnières en live

Tribulations incongrues d'une fille un peu floue...

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jeudi, avril 30 2015

Voyage à Kullorsuaq (suite)

Voyage à Kullorsuaq, 4e semaine de tournage Et voilà que toute l'équipe en est déjà à sa quatrième semaine de tournage sur place, dans ce village d'environ 400 habitants, perché tout là-haut sur une petite île à 20 km de la côte ouest du Groenland, dans la baie de Melville. Kullorsuaq, qui signifie « Le Grand Pouce » en référence à la falaise locale qui s'élève comme un pouce levé vers le ciel, est « un des villages les plus difficiles d’accès de l’Arctique. La ville la plus proche est Upernavik, à 200 km à vol d’oiseau. Selon les conditions, la ville se rejoint en 1h15 d’hélicoptère, 8h de bateau, 4 jours de traîneau ou 2 semaines de ski. Et à seulement 5 000 km de Paris, il faut compter, si le temps le permet, au moins 3 jours de voyage, 4 avions et 1 hélicoptère. »

Voilà la dernière carte postale que les deux Thomas ont envoyée, toujours pleine d'humour et de tendresse, à l'image des Inuits eux-mêmes, semble-t-il.

Voyage à Kullorsuaq, la newsletter

Mais avec leur aventure que j'aime à suivre à distance, à vivre par procuration, c'est aussi plein d'infos non moins documentées qui sont mises à dispos, vivantes et passionnantes sur la vie du village, l'adaptation fulgurante d'une population ultra connectée à la vie moderne extérieure sans renoncer pour autant à son héritage culturel et ses traditions..., aux techniques de chasse, au rock local, à « Monsieur caca », au Kulli, espère de MJC, au magasin, centre du village, au foot, aux histoire d'ours, aux chiens groenlandais, etc.

Voyage à Kullorsuaq, " un chien vaut mieux que deux tu l'auras "
© www.voyageakullorsuaq.com, Nicolas Dubreuil.

Il s'agit bien, en effet, « d’une histoire transmedia, passant par tous les états, toutes les humeurs et tous les supports. »
3 webséries : Thomas et Thomas, Kullorsuaq : vivre sur la glace et Internet au Groenland ; 1 journal de bord par le réalisateur Sébastien Betbeder ; 1 newsletter et la fameuse carte postale ; des photos, belles, expressives, authentiques ; des articles sérieux mais accessibles, souvent émouvant ; des réseaux sociaux...

Voyage à Kullorsuaq, logo site
Icône main Voyage à Kullorsuaq

Icône main Autre billet : Voyage à Kullorsuaq

dimanche, avril 5 2015

Voyage à Kullorsuaq

Nicolas Dubreuil © Sikumut Alors voilà, c'est l'histoire de Nicolas Dubreuil, qui se définit lui-même comme un « aventurier et conteur polaire » (1), spécialiste du monde des glaces qu'il sillonne en kayak, à ski et pulka, en traîneau, skidoo, à pied et sous l'eau, plongée sous glace, parapente, paramoteur, escalade, alpinisme, cascade de glace... De l’Alaska à la Géorgie du Sud en passant par le Nunavut, le Spitzberg, la Sibérie, l'Islande, la péninsule Antarctique et le Groenland, il accompagne et guide des expéditions en autonomie complète, de sportifs, de scientifiques ainsi que des équipes de tournage, des personnes handicapées, des touristes... (2)

Allez, j'avoue, un point nous est commun à tous les deux : Asnières ! Il y est né et moi j'y vis... bon, on s'en fout, c'est vrai. Revenons à nos ours.

Voyage à Kullorsuaq Donc, Nicolas va plus loin encore en développant, à partir de ces expériences, une vision humaine et moderne des régions polaires qu'il investit dans une thèse en ethnologie portant sur l'évolution des techniques de chasse traditionnelles à l'ours polaire et au narval en kayak au Nord du Groenland. Pour ce faire, il emménage dans le village le plus extrême du Groenland, Kullorsuaq (prononcer " Kouchlorsouaq ") où il partage la vie et l’intimité des habitants, découvre l'organisation et la vie des derniers chasseurs du pôle, leur fonctionnement, leurs coutumes et leurs habitudes. Mais aussi leurs problèmes, leurs peurs et leurs incertitudes. Il en rapporte des images et des informations témoignant de l’évolution et du bouleversement de la vie quotidienne des peuples de l’Arctique. « C'est l'occasion de découvrir un univers totalement à rebours de la pensée occidentale, dans lequel les hommes maîtrisent aussi bien la chasse au Narval que les subtilités de Facebook. Un monde on ne peut plus démocratique où les femmes tiennent un rôle fondamental » (3).

Une fois de plus, revenons-en à nos phoques. C'est donc là, à Kullorsuaq, que Nicolas côtoie, entre autres, ses amis Ole Eliassen, l'éternel romantique, et Adam Eskildsen, le timide coquin, les deux chasseurs traditionnels qui lui rendront visite en France en juillet 2013 et qui seront depuis les protagonistes d'une belle aventure immortalisée par le réalisateur Sébastien Betbeder et partagée avec les comédiens français Thomas Blanchard et Thomas Scimeca !

Voyage à Kullorsuaq et ses 4 protagonistes

Un premier moyen-métrage « Inupiluk » : ce soir, comme 2 ou 3 fois par semaine, Thomas rejoint Thomas au café, là où ils ont leurs habitudes. Mais l’esprit de Thomas est ailleurs : son père, explorateur, immobilisé suite à un accident, l’a chargé d’accueillir ses amis inuits Ole et Adam pour leur première visite à Paris, leur première sortie hors du Groenland… « une fable souriante, trente minutes et quelques d'humour et de justesse, entre fiction et documentaire » (4).

Un deuxième film « Le film que nous tournerons au Groenland » : Sébastien Betbeder et ses comédiens Thomas et Thomas se donnent rendez-vous pour imaginer le scénario du film qu’ils tourneront dans un an au Groenland, à Kullorsuaq – une suite à Inupiluk. On y retrouvera les personnages d’Ole et Adam, c’est même le fondement du projet, mais ce qui s’y déroulera, ils ne le savent pas encore…

Voyage à Kullorsuaq, les deux films, la chasse et le village

Un long-métrage « Voyage à Kullorsuaq » en cours de réalisation et qu'on peut suivre en simultané sur le site dédié, plutôt sympa et inventif et qui regorge d'infos intéressantes sur les Inuit, le village et ses habitants, les loisirs sur la banquise, la musique, les maître-chiens, etc., en photos et articles, rédigés notamment par Nicolas Dubreuil.

Moi, je kiffe trop l'amusante websérie dont on devient vite accroc...

Voyage à Kullorsuaq, la websérie

Voyage à Kullorsuaq, le journal de bord... et le journal de bord bien-sûr !!


(1)(3) Le choix des libraires, présentation des éditeurs (13 déc. 2013)
(2) Sikumut.
(4) Telerama.

En savoir plus :

Sites Internet :

Icône main Nicolas Dubreuil : Sikumut et Facebook
Icône main Inupiluk sur Facebook
Icône vidéo Voir, en exclu sur Telerama, les deux films de Sébastien Betbeder : “Inupiluk” et “Le Film que nous tournerons au Groenland”.
Icône main L'entretien avec le réalisateur Sébastien Betbeder.
Icône mainUn projet transmedia pour nous emmener au cinéma et au Groënland : Voyage à Kullorsuaq

Bibliographie :

Icône main Aventuriers des glaces, de Nicolas Dubreuil et Michel Moutot, ed. A vue d’œil, 2012.
Icône main Kullorsuaq. Un village aux confins du Groenland, avec Tiphaine Perin, Edition La Martinière, 2013.
Icône main Mystères polaires de Nicolas Dubreuil et Ismaël Khelifa, Edition La Martinière, 2013.

Icône main Autre billet : Voyage à Kullorsuaq (suite)

lundi, mars 23 2015

Still Alice

Still Alice, un film de Richard Glatzer, mars 2015. Et voilà un film qui, sans en avoir rien vu, entendu ni lu pourtant, à part le synopsis basique, me faisait "peur" d'aller voir. Le genre de mélo dramatique pendant lequel on sait d'avance qu'on va renifler et qu'on redoute d'avoir à "affronter". Bah oui, je me sens un peu trop fatiguée, un peu trop surmenée, un peu trop fragile quoi...

Mais, mais, car il y a toujours un mais, c'est un thème d'actualité et qui touche au plus près alors faut faire l'effort... pour découvrir, apprendre, comprendre et, qui sait, mieux s'en sortir... alors le Printemps du cinéma qui met la place à 3,50 € a mis un terme à mon hésitation.

Ce film, Still Alice, émotionnellement très fort, bouleversant voire effrayant, reste cependant essentiellement compassionnel. Certes, il nous fait suivre et vibrer de près la "lente" déchéance d'Alice, cette grande et reconnue linguiste, depuis les premiers trous de mémoire jusqu'à la désorientation terminale, mais néanmoins, sur le fond, il réserve peu de surprises.

En fin de compte, le film repose sur la performance de Julianne Moore qui joue Alice, diagnostiquée d'un Alzheimer familial héréditaire rare, précoce et ravageur... D'ailleurs, elle a gagné l'oscar de la meilleur actrice. C'est vrai qu'elle est criante de vérité, intense et crédible. Au sein d'une famille proprette d'intellos nantis, un couple soudé, belles carrières, trois enfants aimants, belles études, repas dominicaux et belle maison... on soupçonne, avec une certaine distance, les ravages de cette maladie incurable. Tandis que son mari et ses trois enfants la soutiennent, elle semble pourtant livrée à elle-même. La plus consciente de tous, jour après jour, de ses pertes, de sa dégénérescence, elle fait front, lutte et tente de profiter de chaque instant de lucidité dans une certaine solitude qui devient progressivement un véritable enfermement. De sa détresse, elle le dit elle-même, elle a honte, elle préférerait nettement avoir un cancer.

N'empêche que dans ce beau petit monde familial, tout s'étiole : son mari tout encore amoureux qu'il est, est désemparé et à l'aune d'une belle carrière encore à construire, sa fille aînée dont elle semblait si proche et qui l'incarnait totalement, s'avère plus préoccupée par sa grossesse très attendue, de même que son fils est tout à ses études de droit et ses multiples copines. Reste l'autre fille, celle qui, comédienne donc sans métier, est en conflit avec tout le monde... à moins que ce ne soient les autres plutôt qui sont en conflit avec elle par ce qu'elle révèle d'insolent et de libertaire mais d'intègre. Elle en bave, elle galère, elle « loose » mais elle vit dans ce qui la rend heureuse.

Finalement, plus on évolue dans la maladie, plus on se rapproche de l'inéluctable, lorsqu'Alice appelle Anne sa fille Anna, lorsqu'elle félicite sa fille Lydia à la sortie de sa pièce théâtrale sans la reconnaître... la seule qui, pourtant, reste auprès de la malade, la pseudo ratée que sa mère poussera jusqu'à la fin à s'inscrire à la fac comme seule issue à son avenir, la plus humaine et la seule qui demande à sa propre mère ce qu'elle ressent vraiment. C'est elle qui va réellement l'accompagner dans ce cheminement.

Still Alice, un film de Richard Glatzer, mars 2015.

Un moment fort du film est celui du suicide raté. Après une visite dans une maison spécialisée pour Alzheimeriens-iennes, même super high-tech et au fait des dernières méthodologies et pédagogies... Alice, intelligente, prévoyante, décide de la fin de sa vie avant d'atteindre la décadence avilissante. Elle anticipe avec précaution l'étape ultime où elle aurait encore tout juste à peine les capacités de maîtriser sa vie, son être. Badaboum, concours de circonstance et maladresse font que la tentative est vaine. L'échec est cuisant. Elle n'aura plus jamais ni l'opportunité ni la possibilité d'initier dignement sa sortie.

Cela me bouscule, me bouleverse, me remue, me révolte. Je ne renifle plus mais tente de limiter mes sanglots. Ce n'est pas de la mort dont j'ai peur mais de la manière dont je vais mourir. Comment peut-on encore accepter aujourd'hui, en France, de devoir s'en remettre aux autres pour notre propre issue ? Comment peut-on accepter de supporter cette tyrannie de la vie à tout prix ? Comment peut-on accepter qu'on nous laisse végéter, parfois des années durant ? Qu'est-ce que la dignité humaine ? A qui profite tout ça ? Pas la sécurité sociale, pas la famille qui raque les maisons de retraite ou autres services à domicile, pas les accompagnants qui en bavent pour leur propre fin de vie aussi... mais surtout pas la personne elle-même, ou du moins la mémoire de ce qu'elle a été... une âme valide et belle... alors le poids des religions ou autre ineptie qui aurait toute autorité sur moi ? Moi, parce que je n'ai pas la force de la radicalité, j'espère que les choses vont rapidement évoluer pour que je n'ai pas besoin d'aller justifier d'une phase terminale de cancer généralisé pour candidater à une euthanasie en Suisse.

Une dernière chose importante, c'est aussi parce qu'elle a été une "tête" toute sa vie qu'elle a pu développer des moyens de contournement qui ont certainement fait diagnostiquer la maladie plus tardivement... Il semblerait que plus on a développé de capacités intellectuelles et mentale au cours de sa vie et - ô comble du paradoxe - plus la maladie peut s'avérer sévère et rapide... Alors quoi, vaut mieux être un peu plus "bête" et vivre plus longtemps ?

Icône main Still Alice, drame réalisé en 2014 par Richard Glatzer, Wash Westmoreland (USA) avec Julianne Moore (Alice) et Alec Baldwin (John, son mari) et Kristen Stewart (Lydia, l'un des ses 3 enfants, la comédienne), sorti le 18 mars 2015. Adaptation du roman L'Envol du papillon, best-seller écrit par la neuroscientifique Lisa Genova.

Crédits photos d'après Allociné : ©Polyband ; ©Sony Pictures Classics ; ©Sony Pictures Releasing France.

mardi, mars 17 2015

Vincent, François, Paul & les autres...

L'affiche du film à sa sortie (1974) Ah je ne suis pas peu fière... de pas grand chose, certes, certes... d'être tout simplement ressortie ce soir de mon antre pour aller voir une séance "classique" à l'Alcazar...

On peut parler d'une étude de mœurs dont je sors un peu "nostalgique" ; c'est pourtant ni mon époque, les années 1970, ni ma génération, la cinquantaine ; plutôt "mélancolique" alors.

Ça démarre sur une partie de foot, à la campagne, dans un halo hivernal. Des vieux qui (re)jouent, des vieux qui s'amusent, qui se lâchent, des amis quinquas qui partagent leur fin de semaine, dans une ellipse de vie fraternelle. D'emblée, on est dans une ambiance champêtre, légère et conviviale mais qui dégage déjà quelque chose de chagrin, de nostalgique, de pittoresque... comme un voile entre eux et nous qui nous rendrait spectateur d'une vie déjà consumée. Je ne sais pas si c'est lié techniquement au support du film et à sa réalisation qui date de 1974, et qui a été restaurée, mais une tonalité toute particulière, un peu désuète 40 ans après, s'en dégage et reste touchante. Est-ce qu'à l'époque de sa sortie, c'était quelque chose de voulu et/ou de ressenti comme tel ?

En attendant, on est plongé dans ces vies d'hommes (car les femmes sont apparemment secondaires ; je dis apparemment car en fait, ce sont elles qui provoquent la rupture pour (re)vivre) qui délaissent leur existence pesante pour mieux s'empoigner, gaiement mais aussi brutalement, laissant progressivement émerger leur mal-être respectif. On pense frôler - et même pénétrer - l'intimité de cette galerie de portraits ; d'ailleurs, on compatit voire on descend avec eux vers les abîmes et tréfonds de leur être en déprime mais, en réalité, force est de constater qu'on reste en marge... les dialogues sont circonspects, le silence souvent prégnant...

On oscille donc entre la maison de campagne, cocon de moins en moins illusoire, et la vraie vie, de plus en plus amère. Entre la volonté - de plus en plus - fugace de nier le temps, les fêlures, les blessures, les fragilités, les faiblesses... et le temps qui passe, qui nous rattrape et ne nous rajeunît pas ! On est touché parce que le film privilégie les personnages par rapport aux situations. La lecture de ce film est bien à deux niveaux : d'une part, l'histoire juste et sobre d'échecs individuels et, d'autre part, un témoignage hautement sociologique sur la classe moyenne des années 1970, pointant les premiers signes de la crise économique, morale et affective.

On est finalement témoin de crises existentielles personnelles qui préfigurent la grande crise à venir, celle d'un milieu petit-bourgeois jusque-là préservé et de la fin d'un monde, celui de la réussite des héritiers des Trente Glorieuses... Deux échelles, nationale et personnelle... en écho au futur choc pétrolier, c’est l’ordre familial qui est également bouleversé : les femmes s’émancipent et les épouses choisissent leurs vies et parfois quittent leurs hommes. Ah, nous y voilà !

Vincent, François, Paul et les autres...

Voilà ce qu'en disait L'Express en septembre 1974 :

Finalement le thème du film n’est pas l’amitié, mais plutôt l’usure, l’échec, la fin d’une période opulente, les épreuves qui rapprochent et nourrissent l’amitié. Les personnages de Claude Sautet sont pour lui « en état de survie par rapport à la plénitude dont ils avaient rêvé. »
La mélancolie du propos trouve écho dans la mise en scène et l’ambiance donnée au film : une maison de campagne, une lumière douce mais pâle, un soleil d’hiver. L’inoubliable thème de Philippe Sarde (inspiré des six premières notes du standard américain In The Still of the Night) renforce ce sentiment de spleen. Claude Sautet confiera à François Truffaut à propose du film : « La vie est dure dans les détails mais elle est bonne en gros. »
Gilles Jacob résume justement : « Si le film de Claude Sautet nous bouleverse à ce point, c’est que nous sommes tous des Vincent, des François et des Paul. Des Vincent, surtout, sur qui s’amoncellent les menaces. Nous craignons pour sa vie, pour ce cœur qui broute et réveille en nous la seule question majeure : la peur de mourir. Toute l’émotion et la leçon du film sont dans cette image crépusculaire de Vincent, frileusement blotti entre le parapluie de la sagesse et le compte-gouttes de la solitude. Quelle mélancolie. » (L’Express, 30 septembre 1974). "

Et puis, pour finir, ils sont tous morts... ou presque... à part Piccoli et le jeune Depardieu de l'époque... quoi que...

Icône main Film de Claude Sautet (France, 1974). Scénario : Jean-Loup Dabadie, C. Sautet et Claude Néron, d'après son roman La Grande Marade. Image : Jean Boffety. Musique : Philippe Sarde. 120 mn. Avec Yves Montand : Vincent. Michel Piccoli : François. Serge Reggiani : Paul. Gérard Depardieu : Jean. Stéphane Audran : Catherine.

dimanche, février 1 2015

Imitation Game

C'est dimanche, il est 9h35 et quelques...
Depuis le milieu de la nuit, je suis perdue, réveillée, endormie, les voix que j’entends sont-elles réelles, je cogite, j'angoisse, arrive 6h puis 9h, c'est bien la radio qui a fonctionné toute la nuit... et là mon subconscient se prépare, à anticiper, à se lever pour préparer un bon thé du matin et être fine prête au lit pour le 10h du dimanche à FI, yeahhh.

C'est dimanche, il est 13h et quelques...
Et je suis encore au lit, dans état intermédiaire... J'ai fait mon thé, j'ai écouté mon émission, j'ai tenté de bouquiner, me suis rendormie, ai comaté. J'ai loupé, comme les deux jours précédents, le festival du film d'aventure... Soit je reste comme ça et je continue, la journée durant, à comater/dormir/culpabiliser/angoisser... soit je trouve l'inspiration pour me bouger. J'ai trouvé, je vais aller voir Imitation Game qui joue à l'Alcazar à 13h50. Faut donc que la mammouthe édentée quitte son mode mémé, et que ça saute !

Le film : 1940, Alan Turing, mathématicien, cryptologue, est chargé par le gouvernement Britannique de percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma, réputée inviolable.Imitation game

Sans y aller à reculons, ce n'était pas le film que je souhaitais voir en priorité et je redoutais un peu le biopic à l'hollywoodienne sur fond de 2 GM... hugh ! Non, j'avoue, la vraie motivation est toute autre comme, par exemple, la peur de comater toute la journée au pieu entre essai de lire en vain et sommeil non assumé, tout cela sur fond d'angoisse réminiscente... Donc, me secouer et pas trop loin (moins loin que mon putain de festival...) était d'abord à visée salvatrice !

C'est dimanche, il est 15h50 environ...
Hé bien, étonnamment, ce film m'a touchée, bouleversée, interrogée... plus que d'autres que j'ai pu voir récemment et desquels j'attendais pourtant de l'être sans l'avoir été...

Je retiens 4 grands axes d'intérêt dont l'articulation reste plus ou moins possible, plus ou moins souhaitée...

Imitation game

- évidemment, le domaine de la recherche scientifique et la spécificité de ce champ-là que sont les maths et la cryptologie... ce qui a mené à l'invention de l'ordinateur et de l'informatique ! D'aucun diront que l'explication est (trop) mince mais, pour moi - de peur de ne rien comprendre de plus - cela m'a suffit. Et puis... finalement, ce n'est peut-être pas l'objet principal du film.

- le contexte dans lequel évoluent ces chercheurs, l'impact et l'application directe de leurs découvertes dans un contexte exceptionnel tel que celui de la Seconde Guerre mondiale, le va-et-vient obligatoire entre des logiques totalement différentes, entre l'humain et l'Humanité, impliquant une approche froide et analytique, effrayante. Comment, en effet, utiliser ce nouveau pouvoir sans attirer l’attention de l’ennemi, et ainsi qui sauver ou non du feu allemand ? (oublier ici la touche mélo du film...)

- le parcours individuel et personnel du génie en question à qui on suce toute l'énergie dans une logique et une pression de production et de rendement dignes de nos temps "modernes", pour le plus "noble" objectif qui soit en temps de guerre et tout cela, à tout prix ou plutôt à un prix... Un homme, Alan Turing brillamment Incarné par l'acteur Benedict Cumberbatch, qui fut un héros de l'ombre au service de son pays et qu'on est capable, mission accomplie et guerre terminée, de lyncher en toute anonymité, sans aucune reconnaissance...

Robotisé, seul et souffrant et qui semble éclairer le destin de cet être à part, jamais bien dans son époque : homme du futur, ouvrant la voie aux nouvelles technologies, sacrifié au nom de lois héritées d'un passé archaïque. Condamné en 1952 pour homosexualité, contraint d'accepter une castration chimique pour échapper à la prison, il se suicide en 1954. En 2009, le Premier ministre Gordon Brown présente des excuses au nom du gouvernement britannique pour la manière dont Alan Turing fut traité. En 2013, la reine le gracie à titre posthume. En 2015, c'est un grand acteur qui, en l'incarnant, lui rend hommage. (Télérama)

- le sujet de la différence, quoi de plus actuel ?? Comment être différent - parce qu'on est associal voire autiste, parce qu'on est homosexuel - dans des sociétés qui ne réagissent à la différence que par le rejet, la violence, l'exclusion voire l’extermination ? Comment vivre ensemble en faisant de ces différences de vraies richesses, en les écoutant, en communiquant, en écoutant, en valorisant la singularité dans ce qu'elle a d'enrichissant pour le collectif sans que celui-ci ne se réduise à une masse autocratique, réductrice et meurtrière ? Hautement philosophique : " est-ce parce qu'on pense différemment qu'on ne pense pas ? "

- J'ai oublié un 5e axe auquel je suis pourtant très sensible :
La femme du film, Joan Clarke, une jeune femme brillante et avide de liberté que Alan Turing demande en mariage pour l'extraire de son carcan familial conservateur... Témoignage poignant d'une société qui ne conçoit pas une femme comme "cerveau", d'un "couple" original, pionnier, novateur et progressif qui s'épanouit dans l'échange intellectuel nonobstant ou bravant les cadres sociétaux...

- Enfin, deux choses pour conclure : 1) j'aimerais pouvoir lever le doute sur l'existence réelle de cette femme... j'ose espérer qu'elle n'est pas là dans le film juste pour "faire vendre"... 2) je regrette un peu qu'il n'ait pas été dit ce que les autres membres de l'équipe sont devenus...

Icône main Imitation Game, réalisé par Morten Tyldum (norvégien), avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode. Musique d'Alexandre Desplat, d'après l’œuvre de Andrew Hodges.

Icône main Télérama, par Frédéric Strauss.
Icône main Les Inrockuptibles, par Jacquy Goldbeg.
Icône main Libération, par Clément Ghys, bien plus critique.

Imitation game - Alan Turing
Le mathématicien Alan Turing © Denis Van Waerebeke/The Pepin Press BV.

En tous cas, après ce film à l'affiche, un documentaire explore la vie passionnante d'Alan Turing, façon de réhabiliter ce mathématicien fantasque dont le rêve de construire un cerveau artificiel s'est concrétisé dans le décryptage des communications secrètes de l’armée allemande et, ce-faisant, peut-être décidé du sort de la Seconde Guerre mondiale... et pourtant traité si odieusement jusqu'à le mener au suicide.

Icône vidéo Comment les maths ont vaincu Hitler, réalisé par Denis van Waerebeke, ARTE, France, 2014, 60 min (Arte+7: 22.02-01.03.2015) et Alan Turin, un génie dans la guerre (Arte future).

mardi, février 18 2014

Minuscule, la vallée des fourmis perdues !

Ça commence comme Microcosmes et ça finit comme Apocalypse now !!! (Le Masque & la plume)

Une ébouriffante aventure... en 3D

Minuscule ! © Le Pacte Minuscule ! © Le Pacte Minuscule ! © Le Pacte

Un passage que j'ai particulièrement apprécié : l'équipée sauvage en mode descente raft !!

Minuscule ! © Le Pacte Minuscule ! © Le Pacte Minuscule ! © Le Pacte

De belles images... des décors naturels filmés en prises de vues réelles, des paysages radieux...

Minuscule ! © Le Pacte Minuscule ! © Le Pacte

Et tout ça sur une bande-son sympa et sans voix-off pénible !!

Icône vidéo Film d'animation français réalisé par Thomas Szabo, Hélène Giraud et sorti le 29 janvier 2014 (1h29min).

lundi, février 17 2014

D'Anna à Ida

Ida©Memento Films Distribution Pologne. 1962. Noir et blanc. Un univers poétique, beau et effrayant.

A 4 jours de prononcer ses vœux, Anna, orpheline d'un couvent de campagne, se voit sommée par la Supérieure d'aller rencontrer sa tante, Wanda, jusque-là une parente inconnue d'elle.

Une de ces femmes dont on devine, en un instant, la lassitude et le mépris de soi qui suscitent forcément la haine des autres (Télérama).

- Anna, novice, pure et innocente : Pourquoi tu n'es pas venue me chercher à l'orphelinat ?
- Wanda : Parce que je ne pouvais pas. Je ne voulais pas.

Dans un format épuré mais néanmoins tranché, aiguisé, radical... on va à l'essentiel et la vérité émerge progressivement. La nonne est juive. Elle s'appelle en réalité Ida. Ses parents, après avoir été cachés dans la forêt, ont été tués durant la guerre. L'oubli. Le déni. Elles, seules rescapées de la famille, de l’extermination dont la Pologne fut l’un des principaux théâtres avec la complicité zélée d’une partie de la population.

- Où sont-ils enterrés ?
- Nulle part
- Comment ça nulle part ?

Personne ne le sait sauf les bourreaux eux-mêmes... et au nom de quoi... ?

Niant l'effort d'une telle démarche et ses conséquences, ou plutôt se refusant à rouvrir la brèche - Wanda plante sa nièce là, après lui avoir lâché les infos de base, suffisantes, sans aucun tact, elle a fait sa b-a. C'est dur, c'est brutal mais elle n'a pas le temps, elle a rdv. On pense - comme elle-même se présente - que c'est une pute. Or, derrière cette quadragénaire en robe de chambre fatiguée et aux cheveux en bataille, on apprend que c'est une juge qui a dégringolé depuis l'époque de " Wanda la rouge " qui envoyait à la potence des traîtres au système, des " ennemis du peuple " par paquets " au nom de dieu sait quoi " (avoue-t-elle aujourd'hui) et sans l'once du moindre remords. Un passé qu'elle ne sait exhorter, un écueil qu'elle voudrait épargner à sa nièce dévolue à Dieu.

La journée passant et le charme opérant, quasi hypnotique, de cette nièce réapparue soudainement mais qu'elle attendait sans doute, depuis longtemps, Wanda prend le risque d'affronter la résurgence de ses souvenirs et de leur passé commun... Elle revient la chercher avant qu'elle ne reparte vers son couvent, plus aimablement voire tendrement, pour effectuer en opposition mais ensemble un périple dans cette Pologne grise et gelée des Sixties. Au bout de leur quête, " la petite sainte " pour découvrir ce qu'elle est, et " la grande pute " - qui glisse à plusieurs reprises que le Jésus de la Sœur aimait les gens comme elle - pour oublier ce qu'elle a été... au bout de leur quête, donc : l'effroi.

Ida ©Opus Film©Photo Sylwester Kazmierczak - Et si, en allant là-bas, tu découvrais que Dieu n'existe pas ? Début pesant du périple.
Oui, je sais, ton dieu est partout.

Un espèce de road-movie où les deux protagonistes découvrent ou redécouvrent - au gré de ces immenses espaces vides - une Pologne amnésique, faite de crimes oubliés, niés, non expiés pour des motifs parfois si vils que l'appropriation d'une maison... Tandis que Wanda s'effondre plus que jamais, se laissant aller enfin à faire émerger sa propre souffrance, Ida, elle, tente de résister à son destin et commence à entrevoir la beauté et la mélancolie de la vie.

Ida ©Memento Films Distribution©Photo Sylwester Kazmierczak J'admire cette Anna-Ida qui assimile une série de révélations dérangeantes dans un calme absolument paradoxal. Dans son habit de nonne, aux souliers noirs et gros bas de laine, elle est à la fois avare de paroles, mutique mais robuste et en harmonie avec ses choix. Le film, d'ailleurs, ne met pas en question ses choix mais l'accompagne dans ce mystère. On se demande à quel point la religion pèse sur elle. C'est comme si nul ne pouvait emplir un espace destiné à un Dieu omniprésent, invisible mais qui tend à effacer les personnalités et les esprits.

J'admire cette Wanda qui s'avère être une femme diablement moderne, enchaînant clopes, verres de vodka et hommes d’une nuit. Elle aussi ne s'épanche pas. Elle agit et quand elle parle, c'est durement. Pourtant, derrière cette facture de roc, une extrême souffrance que cette foutue Ida vient remuer.

Ida ©Opus Film Une narration sobre, simple voire austère, au service d'un trip intérieur dont le trouble profond réside dans une question existentielle que se posent les deux femmes, en gardant leurs émotions enfouies, sans jamais la formuler. En croisant leur chemin, et au-delà d'un parcours initiatique, d'un polar personnel, elles mettent à nu une parabole sur l'amnésie collective, nationale. Ce voyage aura pour conséquence de leur imposer à elles deux la tentation de se soustraire à ce dégoût de la vie qui s’est emparé d’elles.

Dans Ida, le réalisateur témoigne du tragique sans lourdeur ni pathos, éclairant l'indicible d'une pâle lueur d'hiver. Il évoque l'occupation allemande, le régime communiste, mais aussi les questions soulevées par l'importance de la religion catholique dans l'identité nationale. Il explore la question de la foi et le catholicisme à la polonaise, résistance à l’orthodoxie de l’éternel ennemi, l’Empire russe, et la question juive, jamais véritablement montrée de manière politique, culturelle, affective.

Le réalisateur rappelle :

La Pologne d’alors était celle de Wladyslaw Gomulka, celle d’un « socialisme à la 
polonaise ». « La Pologne était cool. Elle lançait les modes à l’Est et était une plaque tournante ouverte vers l’Ouest, c’était l’époque du jazz, des cabarets, des premiers films de Polanski. C’était la vitrine la plus drôle des pays communistes. Alors qu’aujourd’hui, c’est un pays culturellement fade. » (L'Humanité).

Sur la beauté du film, très esthétique ou esthétisante si l'on veut être critique, le réalisateur s'exprime ainsi :

On me dit parfois que je suis un cinéaste intello, mais je suis, bien davantage, un sensualiste. J’ai besoin d’aimer physiquement les images que je fais, les sons, les lumières. Je veux avoir le sentiment d’être avec les personnages dans l’espace que je crée. (Télérama).

Mais dans ce film où la Seconde Guerre mondiale et ses traumatismes remontent à la surface, ce qui est intéressant, c'est l'angle de vue : cette histoire de morts sera liée au pardon et au désir d'aller de l'avant. Ida vit, existe.

Elle est rattachée à une terre qu'elle arpente comme un nouveau né, à un passé qui l'a menée là où elle est et à un futur auquel elle n'avait jamais songé. On la verra rire, pleurer, parler, gagner en expressivité comme en force et tout simplement devenir humaine. (Écran large).

Ida ©Opus FilmIda©Arsenal Filmverleih

Pour finir, Ida marche sur une route. La voilà en route. Elle a vu la médiocrité du monde. Elle croit toujours à un possible au-delà. Et le film ne donne pas de réponse.


Icône vidéo Drame polonais réalisé par Pawel Pawlikowski avec Agata Trzebuchowska, Agata Kulesza, Dawid Ogrodnik, sortie le 12 février 2014 (1h19min).

vendredi, février 15 2013

Camille redouble

Mon premier rapport à ce film, je l'avoue, est assez négatif et tout emprunt d'a priori. Vierge de toute critique extérieure, ma première réaction - à la lecture du synopsis - me fait lâcher dans un soupir : « mais qu'est-ce que ce gros navet encore ? ». L'affiche, honnêtement venait corroborer ces premières impressions tout à fait subjectives et irréfléchies : un énième film sur la jeunesse dans le genre truc d'ados pour ados attardés. Camille redouble

Deuxième rapport à ce film : j'en parle avec une collègue du boulot, qui forte de sa formation à Sc. Po. et en école de journalisme, de sa fonction « webmaster éditorial », et de sa reprise d'études en master histoire immigration/histoire cinéma - franco-allemand... bref, une tête, non ? hé bah, elle, l'intello, me dit que c'est génial. Ouarf. J'en ai suffisamment entendu, cela m'intrigue mais le temps passe.

Troisième rapport à ce film qui a raison de moi : la semaine promotion du ciné avec Télérama ce qui permet de revoir un film sélectionné ! Alors, là, je m'dis que trop c'est trop, que je ne dois pas rater l'occase et c'est comme ça que je vais voir Camille redouble à l'Alcazar.

Camille, elle a déjà un certain âge (dans les 53 balais mais bon, y a comme un mystère là car si son mec la plaque 25 ans après qu'elle ait eu un gosse à 16 ans... ça lui fait 41 ans... m'enfin, c'est bien connu, j'suis nulle en calcul mental !) - d'ailleurs, c'est bizarre car pour moi, ayant eu justement une de mes meilleures amies de lycée s'appelant Camille, je ne peux concevoir d'associer ce prénom-là à cet âge-là ! - Camille donc, elle a déjà une fille de 25 ans et un mec, le père, qui la quitte pour une autre. Elle erre chez elle, dans la rue, dans son boulot, dans sa tête, dans sa vie. Elle erre, désespère et noie sa colère et son chagrin dans l'alcool... jusqu'à un 31 décembre, minuit, au comble de la fête, au comble du bonheur simulé, au comble de l'hypocrisie, un silence, une pause, une bulle (de trop), un potentiel renouveau s'immortalisent dans un beau coma éthylique qui l'expulse de sa propre vie et la renvoie à ses 16 ans.

Camille redouble
Et la voilà plongée à nouveau dans le monde de son adolescence, avec ses copines de l'époque, ses parents d'alors, en plein milieu des années 1980. Elle a soudainement le pouvoir de changer le cours de sa vie déjà passée mais qui reste à venir, de ne pas retomber dans les mêmes pièges, d'aller vers d'autres horizons... Connaissant son futur, elle a le pouvoir d'interférer sur son passé.

Camille redouble Après un superbe générique, je suis déjà très touchée par cette femme amochée. C'est la réalisatrice elle-même qui joue ce rôle. Elle est formidable et joue sans aucun effet spéciaux. Dans ce corps bien peu adolescent, évidemment source de burlesque, autant dire qu'elle porte la jeunesse autrement. C'est un film émouvant et drôle. La réalisatrice a gardé les rêves de son époque, d'où une certaine exaltation en offrant la possibilité de refaire sa vie, en se posant des questions, en parlant de choses graves et tristes avec légèreté, humour et sensibilité, en refaisant éventuellement les mêmes conneries... Mais il rappelle surtout le degré supérieur de conscience de Camille : elle sait tout des vingt-cinq années suivantes, qui va se marier, tomber malade, mourir... Se recueillir ou agir, l'héroïne hésite.

Camille redouble
Ainsi, par exemple, elle s'empresse d'enregistrer la voix de sa mère, l'autre personnage d'une présence physique incroyable (Yolande Moreau) et dont elle sait la mort imminente, pour en garder, cette fois, la trace.

En amour et à la lumière de ce qu'elle sait déjà avoir vécu, elle cherche alors, non seulement à résister au fameux coup de foudre lors de sa rencontre avec son futur mari et futur-ex, mais à faire payer à l'innocent d'alors sa trahison future. Camille redouble

A vrai dire, le charme irrésistible et ultime du film est de retrouver l'essence de ses années lycée sans en subir les contraintes du présent, de proposer un bilan existentiel sous la forme d’une ballade sentimentale restituant le parfum d’une époque. La réalisatrice assume jusqu'au bout l'idéalisation du passé. Il y a comme une magie dans les retrouvailles avec les parents, les copines, la chambre d'ado tapissée de photos d'acteurs, les fringues, le vélo, le walkman... mais aussi les garçons, les profs. Camille redouble Mais pour autant, il offre aussi une version « propre », « claire », éloignée, distanciée du présent indéchiffrable vécu par les ados. C'est bien une comédie ravageuse entièrement fondée sur le décalage entre l’ordinaire d’une vie d’ado et l’extraordinaire de la perception qu’en a cette quadra magiquement téléportée dans son passé.

Conclusion : au Masque (23 sept. 2012), ils sont unanimes : « Le meilleur film français de l'année, il hisse la Comédie française à un niveau extraordinaire. C'est un film inclassable, une comédie mais avec beaucoup d'émotion, très touchant et très intelligent, un voyage dans le temps... »
Bref, ce film nous parle à tous parce que son objet est universel. Il fait preuve de pétillance dans sa mise en scène et maintient un état de grâce jusqu'au bout. Derrière la comédie nostalgique, il est possible de retrouver la liberté adolescente et de faire revivre le passé. On pleure et on rit ; on rit et on pleure.

Camille redouble de Noémie Lvovsky avec Noémie Lvovsky... Un très beau casting : Samir Guesmi, Yolande Moreau, Michel Vuilllermoz, Denis Podalydès, les interventions de Mathieu Amalric et de Jean-Pierre Leaud...

Crédits photos : © Gaumont Distribution.

Paulette

Une peinture sociale à la Zola moderne...

Paulette Ça démarre glauque dans une cité ouvrière du 9-3, plongeon dans la misère, faire les poubelles, les huissiers... Ça met en scène un personnage qu'on n'attend pas, une vieille Tatie Danielle... Quand soudain, un pain de haschisch tombe du ciel, un pain de chichon qui atterrit dans son giron, une vraie aubaine...

On a un peu peur des clichés, des stéréotypes, de l'humour lourdingue... On a un peu peur du film archétypal de banlieue où " un précipité d’humanité déchue fait son quotidien des ascenseurs en panne, des graffitis obscènes dans les escaliers, des boîtes aux lettres défoncées et des odeurs d’urine dans les parties communes " (L'Humanité).

Et puis ça se décante, on se laisse prendre, on souscrit !



Tout se joue autour de Paulette, env. 70 ans, ancienne pâtissière et veuve de 10 ans, dépassée par le métissage même en ayant toujours vécu en banlieue, très vieille France profonde, acariâtre, aigrie, détestant tout le monde... recyclée en dealeuse pour joindre les deux bouts.

Ce qui donne lieu à des répliques savoureuses :
" - Vous avez la Maréchaussée aux fesses
" - la quoi ?
" - les keufs ! "

Notamment à propos du racisme, par exemple au parloir, en allant se confesser à la messe :
- "Père Baptiste, j'ai pêché. J'ai pêché en balançant des cafards dans la bouffe des Niakwés qui ont repris mon restaurant. Faut me comprendre, faut que Dieu me comprenne aussi. Ces "Niakwés", ces "Bougnoules", ces "Négros" qui ont envahi la France ; ils nous ont volé notre travail... ".
- "Il ne faut pas vous laisser envahir par la haine et la colère, elles sont toujours mauvaises conseillères".
- "Mais je ne parle pas de vous Père Baptiste, vous mériteriez vraiment d'être blanc. Non, je parle de Bamboula..." en référence à la chair de sa chair, encloquée par un Noir.

Paulette
Photo Bernadette Lafont, Pascal N'Zonzi. Copyright : © Gaumont Distribution.

Bernadette Lafont, qui incarne Paulette, est assez impressionnante. Elle a du peps, une verve, un bagout, un physique, une tronche... elle est abîmée, détruite et marche de travers ! Faut dire qu'elle a commencé à 19 ans au cinéma en 1957 avec Truffaut puis Chabrol, Eustache... Alors elle a de la bouteille et là, ce rôle correspond complètement à son âge.

Plus les personnages sont dans la mouise, plus ils doivent faire preuve d’ingéniosité pour simplement survivre. Plus le film est noir, ce qui ne veut pas dire désespéré, plus la comédie a de chances d’être réussie. On peut dire que c'est "affreux, sale et méchant" en référence à la comédie italienne d'Ettore Scola (hé oui, je répète comme un perroquet car je n'ai pas vu cette œuvre mais je l'avoue, c'est juste pour me la péter plus intello, plus cinéphile, plus "critique" quoi !) mais aussi désopilant. Sans nier le fond social intense, qu'est-ce qu'on rit !

Que d'énergie, idéal contre la déprime du dimanche soir !!

Paulette, de Jérôme Enrico. France. 1 h 27.

dimanche, janvier 13 2013

The Master

The Master de Paul Thomas Andersen avec Joaquin Phoenix (Freddie) et Philip Seymour Hoffman. The Master : l'affiche
© Metropolitan FilmExport

Ok ok ! Je suis allée voir ce film les yeux fermés, encouragée par de nombreuses critiques dithyrambiques : "Premier film choc de l'année", "Époustouflant", "Chef d’œuvre", "Attention, monument", "La foudre au ralenti, la beauté sur l'écran, un chef d’œuvre", "Immense film, incontestablement, indéniablement, une œuvre magistrale, d'une beauté formelle absolue", etc. Et puis bon, dernier argument du chapeau pour convaincre si besoin en était encore, de l'absolue nécessité de voir ce film déjà gagnant... l'auteur Paul Thomas Anderson (PTA) qui a réalisé - entre autres - "Magnolia" à 28 ans et "There will be blood" ! Grand cinéaste, que dis-je, prodige de 42 ans, très ambitieux, dont "le cinéma respire très haut" (quelle belle métaphore que je trouve néanmoins insignifiante !), qui est "capable de plans d'une beauté incroyable et d'un dialogue filmé en champ contre champ". "Ce cinéaste d'une aisance qui rend captif". Bref, un génie ce type là ! Je n'avais donc aucun autre a priori que ces éloges de critiques conquis sans m'être d'ailleurs plus informée du synopsis que cela. Je ne pouvais donc en sortir que conquise moi aussi...

L’intrigue prend racine dans l’Amérique de l’après-guerre, celle des soldats qui rentrent traumatisés du front, dépouillés de leurs repères, tentant de se réinsérer dans une société qu’ils ne comprennent plus. C'est un film sur le silence, sur l'inquiétude, sur l'avenir qui n'arrive jamais pour un ancien soldat, sur les années 1950 d'un vide sidéral, sur une Amérique de grands magasins, de technicolor, de moquette orange, de photographies glacées. Au travers des tentatives de réinsertion chaotique de cet ancien marin, le film donne à voir la violence que le monde occidental a traversé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il exprime la quintessence de l'imaginaire national, l'émergence du capitalisme moderne, l'atmosphère paranoïaque de l'Amérique des années 1950, entre frénésie de consommation et mal-être exis­tentiel. Et c'est justement dans ce contexte emprunt de fragilité absolue et dans cette dualité que se glisse le besoin d'une spiritualité, que se glisse le gourou... Le film fait donc aussi le portrait de la naissance d'une secte mais sans en forcer l'examen critique.

Jusque-là, en théorie, on ne peut être que séduit(e) : tout ce que j'aime, la profondeur d'un contexte socio-historique mis en abyme dans un parcours individuel voire personnel ou vice-versa d'ailleurs ; tout cela sur un fonds de réflexion border-line psychanalytique-spirituel-ésotérique-sectaire-charlatanesque... mmhhh...

Tout commence avec Freddie... Un ex-marins, un vétéran alcoolique et ivrogne, désabusé et désorienté qui, après s'être battu dans le Pacifique, revient en Californie traumatisé de la Seconde Guerre mondiale. Un type colérique et sauvage qui a du mal à gérer toute la violence qu'il a en lui et qui distille sa propre gnôle. C'est dans une scène inaugurale soit-disant époustouflante qu'on le voit apparaître sur une plage, en train de s'échiner, seul mais face à ses congénères, sur une poupée de sable, pur objet sexuel éphémère et finalement, tel un soldat détraqué voire un psychopathe, à libérer - exulter - ses pulsions sexuelles face à la mer...

Là, diverses impressions m'envahissent entre la surprise, l'incompréhension, le dégoût, le questionnement, le "suis-je coincée ou bien déjà réac' à mon si jeune âge"... mais aussi la curiosité, le suspens, la patience, l'indulgence... après tout, le film ne fait que commencer, laissons-nous aller, que puis-je connaître intrinsèquement du traumatisme de guerre... ne jugeons pas, attendons de voir.

Alors on va chercher dans la personnalité, qui se veut complexe, de ce marin détraqué qui s'exprime de façon hirsute dans ses mouvements, ses actions, ses mimiques, ses gestes incontrôlés et son jeu de corps dégingandés (d'aucun font référence à l'Actor studio, à la James Dean ou à la Brando). On le voit émacié, la bouche tordue, à moitié en nage, près à exploser à la moindre étincelle. On tente de comprendre ce personnage en grande partie inexplicable dont le jeu est illisible. C'en est dérangeant car on s'demande s'il est handicapé, victime d'une maladie, traumatisé, pire encore... "juste débile"... ce qui serait le pire dans le sens où cela corroborerait les théories morpho-psycho où toutes les violences rencontrées, affrontées, traversées, subies par un Homme s'exprimeraient irréversiblement physiquement. Or, on sait bien qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Ouahhh, flippant, mais c'est semble-t-il tout cela, à savoir la fragilité absolue de cet homme en contradiction avec sa nature toute boule de nerfs, tout le temps en train d'agresser tout le monde, qui fait sa force et celle du film !

... et se poursuit avec Dodd Ainsi, Freddie tente naturellement de trouver des réponses à ses angoisses auprès de Lancaster Dodd, gourou et intellectuel mystique, penseur charismatique meneur d’un mouvement nommé la Cause (inspiré de L. Ron Hubbard, le fondateur de la scientologie) et ses théories fumeuses sur l'origine de l'âme. Lui-même fasciné par la personnalité de Freddie, il le prend sous son aile au sein de sa secte. Présenté comme un homme charismatique ou tout au moins d'un magnétisme inquiétant, d'une fureur sournoise, très agile mais dont l'emprise sur son entourage s'étiole néanmoins : rapports compliqués avec sa femme, perversité, la fille qui drague Félix... il croit savoir comment l'humanité peut maîtriser le côté le plus sombre de sa nature.

Là encore, on s'lâche : "le désert, la masse, un Seymour Hoffman dans une pure interprétation à l'anglaise, à la Laurence olivier, qui ferait penser à Orson Wells, Citizen Kane". Bref, un prodigieux personnage ; tiens, tiens, lui aussi très Brando... !

Deux personnages en quête... Frondeurs, acolytes, sauveurs, maîtres, esclaves, amis, alter-ego, fantômes, bref, un duo de choc ! Dans ce couple incroyable, où la maigreur de l'un s'oppose ostensiblement à la grosseur de l'autre, on voit s'affronter deux animaux inséparables qui, dans une relation complexe faite, certes de séduction, d'attraction mutuelle, de fascination, mais aussi de répulsion, de dégoût, de conversion et de rédemption, mais surtout de dépendance, expriment des rapports de domination où l'on ne sait plus qui l'emporte du gourou ou du serviteur ? D'ailleurs, la complicité à la fois évidente et retorse qui unit ces deux hommes - avec la complaisance et sous l’œil de la femme (j'y reviendrai) - aspirent les autres personnages au second plan. Des plans tout en alternance, deux styles de jeu, deux solitudes. Cependant, le risque d'une telle prouesse d'acteurs est de se focaliser sur eux au détriment de qu'ils racontent... Même si les scènes impressionnantes de pseudo-thérapie, d'hypnose et autres « mises en condition » sont poussées aux limites de l'intégrité physique, Freddie trouve son compte dans les expériences de Dodd mais n'est jamais dupe des élucubrations du faux visionnaire. Quant au gourou qui prend Freddie comme cobaye idéal, il ne saurait vivre sans le « cocktail magique » (un tord-boyaux à réveiller les morts) concocté par celui qu'il considère comme son fils adoptif... Ainsi, Philip Seymour Hoffman fait son numéro de gros nounours charismatique - impossible de le détester complètement et Joaquin Phoenix joue comme s'il avait un lumbago, ou confondu ses cachous et ses amphètes. Malgré le face à face de ces deux immenses comédiens qui racontent une relation puissante, intime, destructrice mais, en fait, l'emprise d'un être sur un autre, le spectateur est laissé, comme les acteurs semble-t-il, à lui-même... dans un climat de fable hallucinée. Le film promeut une profonde réflexion sur la liberté et la manipulation car entre ces deux-là que l'alcoolisme unit, se nouent des rapports bizarres entre séduction et sentiments presque filiaux qui évoluent progressivement vers de la déception, puis l'abandon. Il n'y a alors rien de plus tragique que deux proches qui ne se comprennent plus. Un fossé s'est creusé. Plus personne n'apporte rien à l'autre.

Les marionnettes d'une femme (Amy Adams) ? The Master : la femme
© Metropolitan FilmExport
Attention, dans l'ombre de ce fabuleux casting masculin se dégage paraît-il un élément encore plus dangereux : l'épouse, toujours maîtresse de ses émotions et ce, avec une douceur terrifiante... Ce personnage de la femme extraordinaire entre ces deux hommes n'est malheureusement pas assez développé par rapport à leur histoire et reste trop en retrait. Moi, je la trouve même carrément fadasse et limite même le cliché de la femme mante-religieuse qui tirerait les ficelles... bah voyons ! Les enfants, eux aussi insignifiants, font tapisserie.

Au service de "La Cause" ou quoi qu'on croit, l'important c'est d'y croire ? Comme dit PTA, "cette idée doit être quelque part dans le film, quand une réplique du Maître dit : “je n'ai jamais vu de pyramides pourtant je sais qu'elles existent”. C'est très fort, très convaincant, ça dit qu'il faut croire à quelque chose et à n'importe quel prix. On y est arrivé quand on n'a plus de doutes, quand le doute n'existe plus. Plein de gens pensent que croire positivement, c'est garder des doutes. Lui, non, il dit que pour vraiment comprendre l'abandon, il faut croire sans conditions." "Les gens s'attendent peut-être à un film sur la scientologie. Mais ce n'est pas le cas. Du coup, on en parle, c'est bien. Le film s’écarte de ce sujet là, il va ailleurs. J'espère qu'un jour, dans quelques années, les gens n'y verront que "L'histoire de 2 hommes et d'1 femme, d'un triangle". Ce film traite finalement plus de la psychanalyse que de la scientologie. Deux choses en commun, deux moyens d'en savoir plus sur soi-même. D'aucun disent même que "c'est un film d'amour !" Heuh, mouais, bon, hé, oh, faut pas pousser mémé dans les orties !! The Master : le duo
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Le film Si les critiques s'accordent à dire que la photographie - du chef op' des derniers Coppola - est somptueuse et que la partition du guitariste de Radiohead, Jimmy Greenwood, est envoûtante, le scénario s'avère, quant à lui, complexe et surprenant ; beaucoup de thèmes sont, en effet, traités et entrelacés. Mais il se montre aussi lent et long, manquant de vélocité. On évoque une mise en scène souveraine, d'une éblouissante beauté, d'une flamboyance qui l'emporte sur l'émotion, surtout avec les travellings latéraux, mouvements de caméra virtuoses, devenus la marque de fabrique du réalisateur, mais on aurait aimé qu'elle soit un peu plus fragile, abandonnant le côté colosse du film pour être plus tremblante, plus frénétique et assumant la psychologie un peu nébuleuse des personnages.

"Rythmée par la musique, la moindre séquence coupe le souffle, vrille le cerveau, tape sur les nerfs. Anderson lance des navires en pleine mer, scrute des tempéraments inflammables. Il hisse le cinéma au niveau de la haute littérature." Wooooowhhhh ! Hééééé ! Attends-là un peu !!! Ok, chaque scène du film intrigue ou intéresse mais leur juxtaposition peine à faire sens. Au final, il n'y a pas vraiment de dramaturgie. Ce qui revient beaucoup dans les critiques d'ailleurs, c'est : où va cette histoire ? qu'est-ce qu'elle veut dire ? Alors, on peut se demander si un film doit absolument dire et prouver quelque chose ? On peut aussi en conclure que le film n'a rien à dire dire, justement. Les deux principaux protagonistes ne s'apportent rien à l'un à l'autre ; ils ont juste fait un bout de chemin ensemble.

Conclusion Après 2h17, que penser de cette histoire, à chaud, impossible de répondre ? Finalement, c'est l'histoire d'un pauv' type qui se fait manipuler par un autre pauv' type. Loin d'être ce que peut-être le public attendait : une biographie du créateur de la scientologie, ce n'est en fait surtout pas un biopic ! C'est - paraît-il - un film bien plus sensible, plus intéressant, un grand film magnétique, mélancolique et dépressif, mais qui manque cependant un peu de dramaturgie. On y voit un homme sombrer au ralenti, un culte augmenter son emprise, une amitié s'effriter. Grandiose, The Master a la fulgurance d'un rêve d'insomniaque. Le dernier mot, s'il en faut un, revient à la beauté. God!

En somme, Bertrand et moi sortons de la salle avec la même tronche déconfite, lui en malaise, moi en indifférence, frustration d'une forme d'incompréhension... Serions-nous restés à côté ? Dérangeant, incompréhensible, d'un rythme difficile, sans fil conducteur, on est finalement ni pour ni contre et ce gel de l'émotion, ce refus du manichéisme, mènent à un ennui poli et glacé.

Sources : On aura tout vu, France Inter - 19/01/2013 ; Le Masque et la plume, France Inter - 13/01/2013 ; Le Figaro ; Le Nouvel Obs ; Première ; RUE 89 ; Studio Ciné live.
Crédits icono : © Metropolitan FilmExport

lundi, octobre 8 2012

Les saveurs du palais

Les avis sont assez partagés sur ce film et je me demande s'il n'est pas presque plus intéressant de lire l'ensemble des critiques que de voir le film. En effet, dans cette débauche d'expressions culinaires, les critiques semblent autant si ce n'est plus, s'amuser à relever le défi critique en relevant celui de l’exercice stylistique !

D'un côté, il y a ceux qui trouvent le film appétissant (tout le monde fait d'ailleurs référence au Festin de Babette (Gabriel Axel, 1987)), savoureux, goûteux, à déguster sans modération, en gourmet, bref, un vrai régal qui « met l’eau à la bouche au point de faire de cette chronique une expérience sensuelle presque érotique » (20 Minutes). Et puis les autres qui ne s'en laissent pas compter par les recettes alléchantes et les jolis ingrédients de comédie et pour qui le film manque de piquant voire reste fade avec « une fin assez insipide, un dessert indigne du plat de résistance, comme un beau soufflé qui se dégonfle, et qui s'avère sans saveur » (Écran large).

Les saveurs du palais (affiche)

Les Saveurs du palais, de Christian Vincent, librement inspiré de la vie de Danièle Mazet-Delpeuch, cuisinière privée à l’Élysée de 1988 à 1990 sous François Mitterrand et puis, globetrotteuse du goût, "cantinière" sur la base scientifique Albert-Faure, en Antarctique.

Hé bien pour moi, rien de tranché mais un entre-deux que ce film globalement attachant et frustrant.

Tout d'abord, c'est un film qui se veut résolument une ode à l’émotion culinaire mais qui me laisse personnellement relativement insensible si ce n'est à la technicité des recettes énoncées.

Ensuite, c'est une histoire qui n'a rien de politique et qui, de fait, se passe de toutes actualité ; c'est reposant mais pas suffisant. Au travers d'un récit documenté sur les « cuisines » de la République : privilèges du pouvoir, luttes intestines entre la cuisine privée du président où elle parvient à imposer son style popote, et la brigade officielle c'est-à-dire la cuisine centrale chargée du tout-venant des visiteurs VIP où c'est l'agitation en tous sens et où règne le machisme des officiers, rigidités protocolaires, complications administratives, de l’administration, contraintes du régime présidentiel… le film offre quelques pistes de réflexion, d'une part, sur l’isolement du pouvoir mais la relation complexe, par exemple, qui unit Hortense au Président aurait mérité d’être explorée (je passe sur le rôle d'un homme de gauche tenu par ce jeune premier de droite d'Ormesson à près de 87 ans...). Et, d'autre part, sur la tentation machiste quand l’originalité de la cuisinière finit par l’emporter sur la routine des cuisiniers (l'Huma) mais la mise à plat des jalousies et tracasseries administratives ourdies contre une Périgourdine osant brusquer le protocole ne nous fait pas suffisamment découvrir les arcanes du pouvoir et la fiction peine à dépasser les jalousies de couloirs.

Pilier de l'histoire, Hortense apparaît d'abord comme une artiste des fourneaux autoritaire et perfectionniste, une femme déterminée, à la poigne de fer, au caractère bien trempé et ne se prêtant guère aux docilités d'usage. Peu à peu, l'actrice, Catherine Frot, succulente et brillante, à la fois simple et raffinée, sachant incarner aussi bien les bourgeoises que les femmes du peuple, donne à ce rôle complexe un peu du cliché de la cuisinière bonhomme au large sourire, certes pas toujours sympathique mais habitée par une passion pour la cuisine du terroir qui lui donne authenticité et cocasserie. Par ailleurs, la comédienne sait aussi exprimer la mélancolie de son personnage, qui voit peu à peu la disparition d'une époque où la culture de la cuisine s'ancrait aussi dans les mots (que le film met en bouche avec bonheur) et la venue d'une autre qui parle coût financier, coût calorique...

C'est aussi et surtout une femme dont on devine le parcours douloureux mais qui ne vit que pour sa cuisine au point qu'on ne saura rien de sa vie privée si ce n'est qu'elle a une fille restée à la ferme périgourdine qui peut aller lui cueillir des truffes au pied levé. On comprend que l'héroïne a choisi l’affectation la plus lointaine en Antarctique qui lui était offerte, dans un univers notoirement masculin de surcroît, pour mieux rompre avec son passé et ainsi tourner la page mais c'est un peu tirer sur la corde sensible. La souffrance du personnage ne nous est pas vraiment rendue sensible et reste, selon moi, une piste narrative inexploitée. D'ailleurs, les allers-retours temporels Elysée-Antartique qui apporteraient des informations sur le personnage et créeraient une sorte de contrepoint à la facette parisienne, sont en fait symptomatiques de l’échec du film en tant que portrait (Critikat). En fait, les flashbacks s'avèrent plutôt inutiles et pesants et donnent au scénario un résultat bancal où l'on ne voudrait s'attacher qu'à la partie Élysée.

En conclusion, je dirais que le film a le mérite de s'intéresser à la seule (?) période historique où une femme a tenu ce poste, qu'il questionne cette quête si singulière qui consiste à se nourrir du bonheur gustatif des autres, qu'il réussit à faire primer l'art de vivre à la française sur le génie culinaire, qu'il comporte de bons ingrédients de comédie mais que la narration reste un peu réac' à montrer avec nostalgie, voire une "démagogie badine" (Télérama) la disparition du bon terroir français.

samedi, octobre 6 2012

Suis pas morte, qu'on me rembourse ! (II)

Grosse déception... Certes, le "Magasin des suicides" nous propose tous les moyens possibles et inimaginables pour nous envoyer dans l'au-delà et ce, en fonction de notre budget, de notre caractère et du panache avec lequel on souhaite marquer le coup. L’accueil y est presque des plus chaleureux, en tous cas patient avec nos doutes et hésitations, compatissant avec notre décision qui n'est pas à prendre à la légère et même ne poussant pas à l'achat car il faut bien réfléchir. Si pour preuve d'efficacité, ils n'offrent pas le service après-vente, ils assurent néanmoins les urgences nocturnes... avec un tarif de nuit bien sûr ! L'arrivée d'un troisième petit Tuvache chamboule la famille... comme le messie, par sa joyeuseté maladive, il amène la prise de conscience dans le commerce familial et peu à peu dans la ville, dans la vie... c'est tout beau, tout gentil !

Magasin des suicides - vue de la rue
© Diabolo Films / Régis Vidal & Florian Thouret

Soit disant adapté d'un conte cruel et sombre, je n'éprouve pas de mal-être ni guère de tristesse mais je ne suis jamais non plus morte de rire, j'esquisse juste quelques sourires aux bons gags. C'est assez amusant mais à la longue, le magasin devient étalage... Du conte à métaphore légère, je peux chercher la critique sociale d'un monde triste et sans perspective, d'un monde politiquement correct où l'on ne s'intéresse qu'aux moyens d'en finir et non aux causes car non seulement cela vous regarde mais il est interdit de se suicider sur la voie publique sous peine d'amende ! On passe ainsi d'un tableau noir à une ode au bonheur sans plus d'argumentaire dans un sens comme dans l'autre, qui s'avère superficiel, plat et même gentillet-énervant avec un excès de chansons horripilantes, façon comédie musicale... qui donnent envie de passer au geste fatal dans la salle même du ciné !!

Alors ce que je retiens de positif quand-même : le graphisme et la 3D que j'ai découverte.

Magasin des suicides - squelette de porte
© Diabolo Films / Régis Vidal & Florian Thouret

Mais je reste extrêmement frustrée de n'avoir pas compris pourquoi la vie mérite-t-elle tellement d'être vécue !?

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mardi, septembre 25 2012

La mort, "un scandale" ! (I)

Pourquoi et comment justifier son désir de mettre fin à ses jours ? Dernier ressort d'une liberté intrinsèquement personnelle et encore pourtant perçue comme si provocatrice et révoltante, la marge de manœuvre s'avère en réalité très réduite. Le présupposé que la vie est belle et se doit d'être vécue s'impose comme véritable diktat à tous points de vue, social, culturel, cultuel, donc psychologique et clinique...

Et Marjane Satrapi de le résumer personnellement avec humour : "la mort est un scandale !"

Alors oui, le concept « Au Magasin des suicides, un client satisfait ne revient jamais. » me plaît beaucoup ! même si la critique n'est pas des plus élogieuse...

Magasin des suicides
Un film de Patrice Leconte Inspiré de l'ouvrage homonyme de Jean Teulé paru en 2007.

Icon zik Bruno Coulais, Himalaya L'enfance d'un chef, La mort de Lhapka.

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dimanche, décembre 26 2010

Bientôt 2011

Je termine ce we de Noël, où j'ai fait mon ours pour la seconde année, avec beaucoup de sensations entremêlées en moi et je ne sais somment les exprimer clairement.

Une année de plus... à la fois comme les autres à la fois complètement à part. Une année effrénée. Une année éreintante. Une année excitante. Une année angoissante. Une année mortelle. Une année de renouveau. Une année existentielle. Une année de pose de fondations. Une année d'éprouvante et fragile solitude. Une année de mauvaises surprises. Bref, une année d'ambivalences, de celles qui vous font avancer.

Je sors du cinéma où je suis allée voir le dernier film de Nicole Garcia "Un balcon sur la mer" où je découvre vraiment Jean Dujardin (parce que c'est pas dans les "Petits mouchoirs" qu'on pouvait vraiment le voir même s'il était l'objet du film) qui a l'air d'être la coqueluche du cinéma français de ces derniers temps... je découvre donc, avec un certain plaisir puisqu'émane de cette réputée "masse virile" une certaine gravité sensuelle... dont les fantasmes qui s'échappent, je ne suis pas dupe ni originale, sont ceux des 3/4 des bonnes femmes voire et de certains hommes aussi certainement.

Une transition... Je ne sais que dire. Écoutez plutôt Sarah Blasko ou bien Rebekka Karijord !