Still Alice, un film de Richard Glatzer, mars 2015. Et voilà un film qui, sans en avoir rien vu, entendu ni lu pourtant, à part le synopsis basique, me faisait "peur" d'aller voir. Le genre de mélo dramatique pendant lequel on sait d'avance qu'on va renifler et qu'on redoute d'avoir à "affronter". Bah oui, je me sens un peu trop fatiguée, un peu trop surmenée, un peu trop fragile quoi...

Mais, mais, car il y a toujours un mais, c'est un thème d'actualité et qui touche au plus près alors faut faire l'effort... pour découvrir, apprendre, comprendre et, qui sait, mieux s'en sortir... alors le Printemps du cinéma qui met la place à 3,50 € a mis un terme à mon hésitation.

Ce film, Still Alice, émotionnellement très fort, bouleversant voire effrayant, reste cependant essentiellement compassionnel. Certes, il nous fait suivre et vibrer de près la "lente" déchéance d'Alice, cette grande et reconnue linguiste, depuis les premiers trous de mémoire jusqu'à la désorientation terminale, mais néanmoins, sur le fond, il réserve peu de surprises.

En fin de compte, le film repose sur la performance de Julianne Moore qui joue Alice, diagnostiquée d'un Alzheimer familial héréditaire rare, précoce et ravageur... D'ailleurs, elle a gagné l'oscar de la meilleur actrice. C'est vrai qu'elle est criante de vérité, intense et crédible. Au sein d'une famille proprette d'intellos nantis, un couple soudé, belles carrières, trois enfants aimants, belles études, repas dominicaux et belle maison... on soupçonne, avec une certaine distance, les ravages de cette maladie incurable. Tandis que son mari et ses trois enfants la soutiennent, elle semble pourtant livrée à elle-même. La plus consciente de tous, jour après jour, de ses pertes, de sa dégénérescence, elle fait front, lutte et tente de profiter de chaque instant de lucidité dans une certaine solitude qui devient progressivement un véritable enfermement. De sa détresse, elle le dit elle-même, elle a honte, elle préférerait nettement avoir un cancer.

N'empêche que dans ce beau petit monde familial, tout s'étiole : son mari tout encore amoureux qu'il est, est désemparé et à l'aune d'une belle carrière encore à construire, sa fille aînée dont elle semblait si proche et qui l'incarnait totalement, s'avère plus préoccupée par sa grossesse très attendue, de même que son fils est tout à ses études de droit et ses multiples copines. Reste l'autre fille, celle qui, comédienne donc sans métier, est en conflit avec tout le monde... à moins que ce ne soient les autres plutôt qui sont en conflit avec elle par ce qu'elle révèle d'insolent et de libertaire mais d'intègre. Elle en bave, elle galère, elle « loose » mais elle vit dans ce qui la rend heureuse.

Finalement, plus on évolue dans la maladie, plus on se rapproche de l'inéluctable, lorsqu'Alice appelle Anne sa fille Anna, lorsqu'elle félicite sa fille Lydia à la sortie de sa pièce théâtrale sans la reconnaître... la seule qui, pourtant, reste auprès de la malade, la pseudo ratée que sa mère poussera jusqu'à la fin à s'inscrire à la fac comme seule issue à son avenir, la plus humaine et la seule qui demande à sa propre mère ce qu'elle ressent vraiment. C'est elle qui va réellement l'accompagner dans ce cheminement.

Still Alice, un film de Richard Glatzer, mars 2015.

Un moment fort du film est celui du suicide raté. Après une visite dans une maison spécialisée pour Alzheimeriens-iennes, même super high-tech et au fait des dernières méthodologies et pédagogies... Alice, intelligente, prévoyante, décide de la fin de sa vie avant d'atteindre la décadence avilissante. Elle anticipe avec précaution l'étape ultime où elle aurait encore tout juste à peine les capacités de maîtriser sa vie, son être. Badaboum, concours de circonstance et maladresse font que la tentative est vaine. L'échec est cuisant. Elle n'aura plus jamais ni l'opportunité ni la possibilité d'initier dignement sa sortie.

Cela me bouscule, me bouleverse, me remue, me révolte. Je ne renifle plus mais tente de limiter mes sanglots. Ce n'est pas de la mort dont j'ai peur mais de la manière dont je vais mourir. Comment peut-on encore accepter aujourd'hui, en France, de devoir s'en remettre aux autres pour notre propre issue ? Comment peut-on accepter de supporter cette tyrannie de la vie à tout prix ? Comment peut-on accepter qu'on nous laisse végéter, parfois des années durant ? Qu'est-ce que la dignité humaine ? A qui profite tout ça ? Pas la sécurité sociale, pas la famille qui raque les maisons de retraite ou autres services à domicile, pas les accompagnants qui en bavent pour leur propre fin de vie aussi... mais surtout pas la personne elle-même, ou du moins la mémoire de ce qu'elle a été... une âme valide et belle... alors le poids des religions ou autre ineptie qui aurait toute autorité sur moi ? Moi, parce que je n'ai pas la force de la radicalité, j'espère que les choses vont rapidement évoluer pour que je n'ai pas besoin d'aller justifier d'une phase terminale de cancer généralisé pour candidater à une euthanasie en Suisse.

Une dernière chose importante, c'est aussi parce qu'elle a été une "tête" toute sa vie qu'elle a pu développer des moyens de contournement qui ont certainement fait diagnostiquer la maladie plus tardivement... Il semblerait que plus on a développé de capacités intellectuelles et mentale au cours de sa vie et - ô comble du paradoxe - plus la maladie peut s'avérer sévère et rapide... Alors quoi, vaut mieux être un peu plus "bête" et vivre plus longtemps ?

Icône main Still Alice, drame réalisé en 2014 par Richard Glatzer, Wash Westmoreland (USA) avec Julianne Moore (Alice) et Alec Baldwin (John, son mari) et Kristen Stewart (Lydia, l'un des ses 3 enfants, la comédienne), sorti le 18 mars 2015. Adaptation du roman L'Envol du papillon, best-seller écrit par la neuroscientifique Lisa Genova.

Crédits photos d'après Allociné : ©Polyband ; ©Sony Pictures Classics ; ©Sony Pictures Releasing France.