La Panik d'Asnières en live

Tribulations incongrues d'une fille un peu floue...

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lundi, mars 23 2015

Still Alice

Still Alice, un film de Richard Glatzer, mars 2015. Et voilà un film qui, sans en avoir rien vu, entendu ni lu pourtant, à part le synopsis basique, me faisait "peur" d'aller voir. Le genre de mélo dramatique pendant lequel on sait d'avance qu'on va renifler et qu'on redoute d'avoir à "affronter". Bah oui, je me sens un peu trop fatiguée, un peu trop surmenée, un peu trop fragile quoi...

Mais, mais, car il y a toujours un mais, c'est un thème d'actualité et qui touche au plus près alors faut faire l'effort... pour découvrir, apprendre, comprendre et, qui sait, mieux s'en sortir... alors le Printemps du cinéma qui met la place à 3,50 € a mis un terme à mon hésitation.

Ce film, Still Alice, émotionnellement très fort, bouleversant voire effrayant, reste cependant essentiellement compassionnel. Certes, il nous fait suivre et vibrer de près la "lente" déchéance d'Alice, cette grande et reconnue linguiste, depuis les premiers trous de mémoire jusqu'à la désorientation terminale, mais néanmoins, sur le fond, il réserve peu de surprises.

En fin de compte, le film repose sur la performance de Julianne Moore qui joue Alice, diagnostiquée d'un Alzheimer familial héréditaire rare, précoce et ravageur... D'ailleurs, elle a gagné l'oscar de la meilleur actrice. C'est vrai qu'elle est criante de vérité, intense et crédible. Au sein d'une famille proprette d'intellos nantis, un couple soudé, belles carrières, trois enfants aimants, belles études, repas dominicaux et belle maison... on soupçonne, avec une certaine distance, les ravages de cette maladie incurable. Tandis que son mari et ses trois enfants la soutiennent, elle semble pourtant livrée à elle-même. La plus consciente de tous, jour après jour, de ses pertes, de sa dégénérescence, elle fait front, lutte et tente de profiter de chaque instant de lucidité dans une certaine solitude qui devient progressivement un véritable enfermement. De sa détresse, elle le dit elle-même, elle a honte, elle préférerait nettement avoir un cancer.

N'empêche que dans ce beau petit monde familial, tout s'étiole : son mari tout encore amoureux qu'il est, est désemparé et à l'aune d'une belle carrière encore à construire, sa fille aînée dont elle semblait si proche et qui l'incarnait totalement, s'avère plus préoccupée par sa grossesse très attendue, de même que son fils est tout à ses études de droit et ses multiples copines. Reste l'autre fille, celle qui, comédienne donc sans métier, est en conflit avec tout le monde... à moins que ce ne soient les autres plutôt qui sont en conflit avec elle par ce qu'elle révèle d'insolent et de libertaire mais d'intègre. Elle en bave, elle galère, elle « loose » mais elle vit dans ce qui la rend heureuse.

Finalement, plus on évolue dans la maladie, plus on se rapproche de l'inéluctable, lorsqu'Alice appelle Anne sa fille Anna, lorsqu'elle félicite sa fille Lydia à la sortie de sa pièce théâtrale sans la reconnaître... la seule qui, pourtant, reste auprès de la malade, la pseudo ratée que sa mère poussera jusqu'à la fin à s'inscrire à la fac comme seule issue à son avenir, la plus humaine et la seule qui demande à sa propre mère ce qu'elle ressent vraiment. C'est elle qui va réellement l'accompagner dans ce cheminement.

Still Alice, un film de Richard Glatzer, mars 2015.

Un moment fort du film est celui du suicide raté. Après une visite dans une maison spécialisée pour Alzheimeriens-iennes, même super high-tech et au fait des dernières méthodologies et pédagogies... Alice, intelligente, prévoyante, décide de la fin de sa vie avant d'atteindre la décadence avilissante. Elle anticipe avec précaution l'étape ultime où elle aurait encore tout juste à peine les capacités de maîtriser sa vie, son être. Badaboum, concours de circonstance et maladresse font que la tentative est vaine. L'échec est cuisant. Elle n'aura plus jamais ni l'opportunité ni la possibilité d'initier dignement sa sortie.

Cela me bouscule, me bouleverse, me remue, me révolte. Je ne renifle plus mais tente de limiter mes sanglots. Ce n'est pas de la mort dont j'ai peur mais de la manière dont je vais mourir. Comment peut-on encore accepter aujourd'hui, en France, de devoir s'en remettre aux autres pour notre propre issue ? Comment peut-on accepter de supporter cette tyrannie de la vie à tout prix ? Comment peut-on accepter qu'on nous laisse végéter, parfois des années durant ? Qu'est-ce que la dignité humaine ? A qui profite tout ça ? Pas la sécurité sociale, pas la famille qui raque les maisons de retraite ou autres services à domicile, pas les accompagnants qui en bavent pour leur propre fin de vie aussi... mais surtout pas la personne elle-même, ou du moins la mémoire de ce qu'elle a été... une âme valide et belle... alors le poids des religions ou autre ineptie qui aurait toute autorité sur moi ? Moi, parce que je n'ai pas la force de la radicalité, j'espère que les choses vont rapidement évoluer pour que je n'ai pas besoin d'aller justifier d'une phase terminale de cancer généralisé pour candidater à une euthanasie en Suisse.

Une dernière chose importante, c'est aussi parce qu'elle a été une "tête" toute sa vie qu'elle a pu développer des moyens de contournement qui ont certainement fait diagnostiquer la maladie plus tardivement... Il semblerait que plus on a développé de capacités intellectuelles et mentale au cours de sa vie et - ô comble du paradoxe - plus la maladie peut s'avérer sévère et rapide... Alors quoi, vaut mieux être un peu plus "bête" et vivre plus longtemps ?

Icône main Still Alice, drame réalisé en 2014 par Richard Glatzer, Wash Westmoreland (USA) avec Julianne Moore (Alice) et Alec Baldwin (John, son mari) et Kristen Stewart (Lydia, l'un des ses 3 enfants, la comédienne), sorti le 18 mars 2015. Adaptation du roman L'Envol du papillon, best-seller écrit par la neuroscientifique Lisa Genova.

Crédits photos d'après Allociné : ©Polyband ; ©Sony Pictures Classics ; ©Sony Pictures Releasing France.

jeudi, novembre 13 2014

A la recherche du bonheur

Il est un de ces petits bonheurs mineurs, celui de rentrer chez soi en sandales et chemisette à la mi-novembre, après une soirée intéressante et non ordinaire. Petit instant de bonheur modeste et fugace qui fait oublier la routine mortifère.

Ce soir, je me suis rendue à la Maison du Danemark sur l'avenue des Champs-Élysées, pour écouter deux chercheuses en bonheur...

Malene Rydahl : auteure du livre Heureux comme un danois, (Grasset, 2014) a enquêté et réfléchi pour offrir le trousseau des dix clefs du bonheur danois qui est finalement sans frontières.

Claudia Senik : professeure à l'Université Paris-Sorbonne et à l’École d'économie de Paris, auteure de The French Unhappiness Puzzle : The Cultural Dimension of Happiness (2014) et l’Économie du bonheur (Seuil-La République des idées, 2014), elle est l’une des spécialistes internationales de l’économie du bien-être et de l’économie comportementale.

Maison du Danemark - 2 chercheuses en bonheur...

Le Danemark est régulièrement désigné comme le pays du monde où le bonheur est le plus répandu. L'annuel World Happiness Report de l'ONU a placé ces deux dernières années les Danois comme les plus heureux du monde. La superpuissance du bonheur selon le New York Times. Mais cela aide-t-il d'être danois pour être vraiment heureux ? Ou est-ce que le bonheur est plutôt sans frontières ? Peux-ton dire que certains pays, certains peuples sont plus ou moins doués pour le bonheur et pourquoi ? Comment mesurer le poids du bonheur dans l'économie ?

Visiblement, cela suscite un grand intérêt, la salle est comble. Ça commence par " Il y fait froid, il y fait nuit à partir de 15h, etc... " ce qui génère son lot de rictus empathiques dans la salle ! On aime... mais de loin. Être heureux... mais de quoi, de qui, de quel bonheur parle-t-on ?

La première intervenante dans le genre journalistique, se montre plutôt accessible du large public tandis que la seconde s'avère plus "universitaire" avec un discours construit à partir et vers la discipline économique pour tenter de répondre à la question : l'argent fait-il le bonheur ?

  • Pour la première, il existe 3 piliers pouvant expliquer le bonheur à la danoise : la confiance, l'éducation et la responsabilité individuelle. Elle précise qu'ils ne sont pas des "valeurs danoises" mais bien des valeurs humaines. Entre anecdotes, souvenirs personnels et statistiques rigoureuses, elle offre un petit précis philosophique et concret, un manuel du bien-être au quotidien, un « mode d'emploi de l'allégresse », un antidote au pessimisme ambiant, un parfait guide du savoir-vivre…heureux.

La confiance est un terme, une notion, une valeur qui va revenir fréquemment au cours de la conférence et dans les échanges avec la salle. A la fin de la conf., une dame intervient pour montrer que la notion de confiance peut marcher à un endroit et pas ailleurs. Par exemple, au Japon, on peut laisser son sac sur la table d'un café et aller aux toilettes sans craindre aucun vol. Pour autant, le peuple japonais ne se caractérise pas par son aptitude au bonheur. C'est parce que la confiance seule ne suffit pas, il lui faut être associée à la liberté ! Il manque, en effet, aux Japonais, subissant l’oppression du tabou, la liberté de s'exprimer.
Par exemple, au Danemark, dès 13 ans, on a la possibilité de gagner son propre argent de poche ce qui donne confiance, autonomie et liberté, notamment vis-à-vis des parents, des élites, de la société... Là-bas, il est très fréquent et normal que les jeunes partent tôt, à 18 ans, de chez eux ce qui, d'une certaine façon, contribue là-encore à la prise de confiance et à l'autonomie dans le sens où ils subissent moins longtemps, par exemple, les projections de leurs parents... Autant d'aspects qui peuvent expliquer l'optimisme danois, si connoté "naïf" en France.

D'après elle et son étude, il faut donc agir soi d'abord dans son environnement et faire confiance aux personnes (plus qu'à leurs diplômes) sans attendre que le changement vienne d'en haut.

Autre domaine d'excellence danoise, l'éducation ! A la fin, lors du débat, une dame d’expérience dans ce domaine témoigne et confirme sans hésitation l'opposition des deux systèmes danois et français. Dans le petit royaume du nord, la place de l'enfant est toute autre, celle qu'il prend et celle qu'on lui dévoie. Elle regrette ainsi le système éducatif figé et l'immobilisme à la française... qui se perpétue depuis la maternelle dans des scènes banales où l'on somme les gamins d'être en rang par deux et dans le silence...

Quant à la responsabilité individuelle, un autre exemple assez probant est le fait que chaque jeune reçoit de l’État une bourse de 780 € ce qui permet un accès égalitaire aux études pour tous. Le regard porté par la société sur le niveau d'étude est autrement moins dans le jugement élitiste qu'en France. Là-bas, un professeur d'université sera tout aussi heureux que son enfant soit ébéniste ou autre chose. A ce propos, l'autre intervenante complète en expliquant qu'en France, ce n'est pas forcément l'élitisme qui est le problème mais plutôt la nature de celui-ci. L'élitisme français a certes toujours existé mais il est devenu très étroit. Avant, les portes des grandes écoles était grandes ouvertes, au regard du peu de candidats. Aujourd'hui, alors qu'on pousse au 80% de réussite au bac, celles-ci n'ayant pas augmenté leurs capacités d’accueil, s'avèrent plus qu'étroites à des postulants en masse ! D'autre part, l’élitisme français se définit aussi par son caractère unidimensionnel. Par exemple, on continue de reconnaître les maths et le français comme seules compétences respectables et signifiantes en renâclant toutes autres qualités et compétences issues d'autres disciplines ou activités. L'art continue d'être considéré seulement comme un passe-temps, un loisir... En fait, l'élitisme français est restreint en contenu et en nombre.

  • Du point de vue de la recherche et dans le domaine de l'économie, la pratique des enquêtes sur des questions subjectives, telles que le bonheur, émerge dans les années 1970 mais reste alors très marginale. Depuis, les économistes ont tenté de mesurer le bonheur tel qu’il est ressenti et déclaré par les individus eux-mêmes. Leur enquête concerne plus particulièrement le rôle de la richesse. L’argent fait-il le bonheur ? La croissance rend-elle les gens plus heureux ? Dans le cas contraire, faut-il opter pour la décroissance ou, du moins, mesurer le bien-être au-delà du PIB ? Mais c'est vraiment à partir des années 2000 que ce sujet d'étude est devenu admis et même un critère de mesure incontournable, notamment pour les pouvoirs publics. S'interroger sur ce qui dans l'économie favorise le bonheur des gens et vice-versa, permet de comprendre pourquoi la France, pays objectivement riche, souffre d’un tel « déficit de bonheur ».

Les enquêtes internationales prouvent qu'à conditions égales, le critère "vivre en France" rapporte d'office un fort coefficient négatif ! Ceci n'a rien à voir avec les conditions objectives de vie en France mais avec le ressenti et la représentation défaillante des Français.

Robert Boyer, qui est tout sauf un libéral, connu comme l'un des artisans de l'école de la régulation, très à gauche, a écrit sur le Danemark (La flexicurité danoise. Quels enseignements pour la France ? Paris : éditions rue d'Ulm, Presses de l'ENS, 2006) et l'une des explications qu'il apporte au schmilblick est celui de la capacité danoise à réagir rapidement à un problème par une réforme.

Conclusion : Alors, le bonheur, une idée neuve ? Pourquoi serait-il érigé comme un objectif essentiel ? En quoi serait-il une finalité, un devoir presque ? Peut-on mesurer quelque chose d’aussi subjectif et impalpable que le bonheur ?

En savoir plus :

Icône main Claudia Senik, L'économie du bonheur, Coédition Seuil-La République des idées, 2014.
Icône audio Analyser les causes du mal-être français (France Culture, Les carnets de l'économie, du lundi au jeudi de 17h55 à 17h59).

Icône main Malene Rydahl, Heureux comme un Danois, Grasset, 2014.

Revue de presse : Malene Rydahl, danoise de naissance et française d'adoption, s'est attelée à la tâche. On en était resté aux terrifiants contes d'Andersen et voilà qu'en 10 conseils amicaux se dessine un bonheur partagé du haut en bas de l'échelle sociale. (Philippe Douroux - Libération du 12 juin 2014)Extrait de l'introduction

Extrait de l'introduction : Il était une fois une jeune femme danoise qui avait décidé d'écrire un livre sur le bonheur. En pleine période d'écriture, elle se trouvait en vacances dans le sud de la France. Elle avait été invitée dans une très belle maison en bord de mer. Un grand dîner assez mondain avait été organisé dans un cadre magnifique. Les gens étaient beaux. Tout était parfait. Pour l'apéritif, on servait au choix un Champagne vintage d'une grande année, de grands crus et tous les cocktails exotiques imaginables. On parlait de la belle vie : les voyages lointains dans les plus beaux hôtels du monde, les bonnes tables dans les meilleurs restaurants, la culture, l'art. Tout ce qui est agréable à vivre. Une vie de rêve. La conversation s'est soudainement portée sur son livre. La table s'est étonnée du titre, Heureux comme un Danois. «Mais pourquoi ce titre ? Je ne vois rien de particulier dans ce pays qui pourrait rendre heureux les gens !» a dit un monsieur. La jeune femme tenta d'expliquer la grande confiance des Danois, entre eux et à l'égard de leurs institutions. La volonté et l'envie de participer à un projet commun au bénéfice de la collectivité. Le système scolaire qui cultive le développement de la personnalité de chacun. L'importance de donner à tous les citoyens la liberté de trouver leur place. L'absence de course à «être le meilleur». Elle raconta que chez elle, on ne cherchait pas à avoir une élite, la priorité étant que la population soit heureuse dans l'ensemble. Et elle eut le malheur d'ajouter que, pour financer cela, la pression fiscale était la plus élevée au monde avec un taux marginal à presque 60 % à partir de 52 000 euros de revenus. Là, le même monsieur s'est impatienté. Il a élevé la voix : «Mais enfin quelle horreur ! N'essayez pas de nous convaincre qu'un système pareil peut rendre qui que ce soit heureux.» Et il a continué : «Personne n'a envie de payer pour les autres. Et puis sans une élite, un pays n'a plus d'avenir.» Une femme a renchéri : «Moi je regarde la série Borgen (une série danoise sur la vie politique) et ils sont tous malheureux, c'est quand même n'importe quoi !» Stop. Retour à la réalité. Je suis bien consciente que le modèle danois ne peut pas plaire à tout le monde. L'idée de ce livre n'est aucunement de convaincre que ce modèle est meilleur qu'un autre. Il répond, tout simplement, à une envie de partager. Je suis née, par hasard, dans le pays le plus heureux du monde. Je n'étais pas consciente de cette chance et j'ai choisi de quitter mon pays pour tracer mon propre chemin. Aujourd'hui, après avoir passé beaucoup de temps loin du Danemark, j'ai voulu faire le point, en dix clés toutes simples, sur un modèle de société qui semble en effet rendre les gens heureux, et ce depuis plus de quarante ans.