Une peinture sociale à la Zola moderne...

Paulette Ça démarre glauque dans une cité ouvrière du 9-3, plongeon dans la misère, faire les poubelles, les huissiers... Ça met en scène un personnage qu'on n'attend pas, une vieille Tatie Danielle... Quand soudain, un pain de haschisch tombe du ciel, un pain de chichon qui atterrit dans son giron, une vraie aubaine...

On a un peu peur des clichés, des stéréotypes, de l'humour lourdingue... On a un peu peur du film archétypal de banlieue où " un précipité d’humanité déchue fait son quotidien des ascenseurs en panne, des graffitis obscènes dans les escaliers, des boîtes aux lettres défoncées et des odeurs d’urine dans les parties communes " (L'Humanité).

Et puis ça se décante, on se laisse prendre, on souscrit !



Tout se joue autour de Paulette, env. 70 ans, ancienne pâtissière et veuve de 10 ans, dépassée par le métissage même en ayant toujours vécu en banlieue, très vieille France profonde, acariâtre, aigrie, détestant tout le monde... recyclée en dealeuse pour joindre les deux bouts.

Ce qui donne lieu à des répliques savoureuses :
" - Vous avez la Maréchaussée aux fesses
" - la quoi ?
" - les keufs ! "

Notamment à propos du racisme, par exemple au parloir, en allant se confesser à la messe :
- "Père Baptiste, j'ai pêché. J'ai pêché en balançant des cafards dans la bouffe des Niakwés qui ont repris mon restaurant. Faut me comprendre, faut que Dieu me comprenne aussi. Ces "Niakwés", ces "Bougnoules", ces "Négros" qui ont envahi la France ; ils nous ont volé notre travail... ".
- "Il ne faut pas vous laisser envahir par la haine et la colère, elles sont toujours mauvaises conseillères".
- "Mais je ne parle pas de vous Père Baptiste, vous mériteriez vraiment d'être blanc. Non, je parle de Bamboula..." en référence à la chair de sa chair, encloquée par un Noir.

Paulette
Photo Bernadette Lafont, Pascal N'Zonzi. Copyright : © Gaumont Distribution.

Bernadette Lafont, qui incarne Paulette, est assez impressionnante. Elle a du peps, une verve, un bagout, un physique, une tronche... elle est abîmée, détruite et marche de travers ! Faut dire qu'elle a commencé à 19 ans au cinéma en 1957 avec Truffaut puis Chabrol, Eustache... Alors elle a de la bouteille et là, ce rôle correspond complètement à son âge.

Plus les personnages sont dans la mouise, plus ils doivent faire preuve d’ingéniosité pour simplement survivre. Plus le film est noir, ce qui ne veut pas dire désespéré, plus la comédie a de chances d’être réussie. On peut dire que c'est "affreux, sale et méchant" en référence à la comédie italienne d'Ettore Scola (hé oui, je répète comme un perroquet car je n'ai pas vu cette œuvre mais je l'avoue, c'est juste pour me la péter plus intello, plus cinéphile, plus "critique" quoi !) mais aussi désopilant. Sans nier le fond social intense, qu'est-ce qu'on rit !

Que d'énergie, idéal contre la déprime du dimanche soir !!

Paulette, de Jérôme Enrico. France. 1 h 27.