Et voilà, j'écoutais Cosmopolitaine sur FI avec les passionnantes recherches de la neurobiologie sur le cerveau quand la suite s'enchaîna sur Vivre avec les bêtes... Fallait alors que je zappe sur FIP ou Nova car franchement, avec "de Fontenay", je ne peux pas m'empêcher de penser davantage à Miss France qu'à la philosophe, tout ça sur un fond de "Trente millions d'amis"... non, non et non ! Finalement, j'ai vaqué et pas zappé mais bien m'en a pris car j'ai pu découvrir cette histoire assez dingue de "Grizzly Man".

Grizzly Man en dvd

" Grizzly Man est un film documentaire animalier américain du réalisateur allemand Werner Herzog, sorti en 2005. C'est l'histoire de Timothy Treadwell qui a passé treize étés, sans armes, près des grizzlys dans le Katmai National Park and Preserve en Alaska. Lors des cinq dernières expéditions, il a filmé les ours et s'est mis en scène à leurs côtés ; il a réalisé des films de sensibilisation servant à illustrer ses interventions et sur la nécessité de protéger les ours sauvages. En 2003, à la fin de la treizième expédition, Treadwell et sa compagne ont été attaqués et dévorés par un grizzly.
Le film d'Herzog tente de cerner la personnalité complexe et controversée de Treadwell, au travers d'interviews de ses proches, et de scènes extraites des 100 heures de prises de vues tournées avant sa mort. Il essaye de comprendre ce qui a amené un homme à passer toutes les frontières de la nature, au point que tout en reconnaissant l'immense danger qu'il courait, s'en approchait toujours plus ; se trouvant, au moment de sa mort, à l'endroit qu'il jugeait le plus dangereux et où, de son propre aveu, aucun homme ne serait capable de rester en vie. " (Source : Wikipedia)

Icon zik Écouter Tout bêtement philosophie, l'analyse critique d’Élisabeth de Fontenay sur FI dans Vivre avec les bêtes (7/10/2012) ou lire ses Libres Propos autour du film.

En voici quelques extraits parfois écourtés, adaptés !

La vie des ours : " Herzog nous montre quelques unes des images tournées par Tim, les paysages magnifiques sans la neige, et ces ours qui se battent de façon tellement impressionnante, debout, s’enlaçant de manière quasi humaine. On voit leur manière d’attraper les saumons dans les torrents, de s’ébattre dans l’eau, de menacer, de s’esquiver. "

Une vision idyllique de la nature " Timothy a quelque chose du parfait écolo, du hippie, qui ignore tout et veut tout ignorer de l’éthologie, du savoir sur le comportement de chaque espèce animale. De la même façon, tout confit en sentimentalité, il ignore ce que c‘est que l’empathie, la capacité de se représenter et d’éprouver les émotions de l’autre. Même et surtout quand il dit qu’il veut devenir un animal sauvage, être l’un d’eux, le seul homme à les comprendre. Dans cette ivresse de se métamorphoser, d’abandonner la condition humaine, il ne s’est pas demandé : qu’est-ce que ça fait d’être un ours ? Il accusait les autres, tous les autres, d’avoir mal compris ces animaux. Mais lui-même leur a manqué de respect, il n’a pas respecté leur territoire, il n’a pas cherché à comprendre leurs codes, ce qui a fortement choqué les autochtones qui lui ont reproché d’avoir rompu un pacte tacite, vieux de 7000 ans."

La dévoration : " On a mieux compris ce qui s’était passé quand on a su, que revenus dans le sanctuaire des ours, hors saison, ils avaient rencontrés de nouveaux ours, ceux qui leur étaient jusqu’à un certain point familiers étant partis. Ils ont été tués et dévorés par un grizzli qu’ils ne connaissaient pas, un vieil ours de 28 ans. Lorsque le pilote d'hélicoptère revenant chercher Tim à la fin de l'été l’a appelé et cherché et ne l’a pas trouvé, les secours l'ont ensuite retrouvé, enfin quelques membres épars et quatre sacs poubelles extraits du ventre de l’ours identifié sans erreur comme le tueur et tiré de l’hélicoptère. Il y a deux scènes impressionnantes dans ce film. Celle où le médecin légiste remet à l’une des compagnes de Tim, sa montre qui ne s’est pas arrêtée. Et celle, très forte cinématographiquement, où Werner Herzog, sous le regard d’une autre compagne de Tim, écoute l’enregistrement de la bande son des six minutes fatales. Juste la bande son… car rien ne fut filmé, le bouchon qui obturait la caméra n’ayant pas été retiré. "

Une personnalité complexe et controversée Une mise en scène narcissique, bavarde et vaniteuse de lui, ce héros, qui nous ferait oublier qu'il en a payé de sa vie et de celle de sa compagne. Il a entraîné dans cette aventure une femme qu’on ne voit jamais dans ses films, qui avait peur des ours, et qui mourra avec lui après l’avoir traité de destructeur. Timothy a fait en sorte qu’on le voie toujours seul à l’image. Les femmes qu’il amenait dans le sanctuaire des grizzlis restaient anonymes, toujours cachées. Il n’y en avait que pour lui, que pour son narcissisme infantile de la vie sauvage et de l’innocence. Lui, toujours lui, seulement lui, dans un centrement sur soi et une quête de soi-même qui utilise la caméra comme medium.

Une expérience limite peut-elle se décider, se choisir délibérément ? " En manifestant son goût morbide du risque extrême et du franchissement de la ligne, il a éprouvé un grand plaisir du jeu avec la mort : et ceci, sans fusil, ce qui est admirable, mais aussi, ce qui l‘est moins, sans règle, et surtout sans prudence, sans intelligence, sans stratégie, même s’il veillait à ne jamais relâcher son attention et à rester calme. Ne s'agit-il pas ici plutôt de manifester sa volonté de puissance ? Il y avait, derrière cette passion mortelle pour les grizzlis, une haine profonde de la civilisation, et un goût de la transgression systématique. Le projet de mourir représentait pour lui la meilleure façon de faire connaître son combat.

Quelle est la morale de cette terrible histoire, la leçon que Werner Herzog, essaie de faire passer ? " Diane Fossey me semble un éloquent contre exemple de cette dérive psychologique qui chez Timothy Treadwell a consisté à instrumentaliser des animaux sauvages pour se trouver lui même, et à greffer sa volonté de suicide sur son désir de vivre seul avec ces bêtes. Diane Fossey, elle aussi, aura perdu la vie dans son aventure avec les gorilles. Les mâles pouvaient être très agressifs, ce qui la terrorisait mais, au bout d’un très long temps, elle a obtenu de l’un des géants qu’il accepte sa présence et les autres gorilles sont peu à peu venus à elle. Et ce n’est pas son « animal magique » qui a tuée cette héroïne de la primatologie, c’est un inconnu, sans doute un braconnier, qui l’a assassinée. "
" A l'écoute des témoignages, on comprend comment cet homme peut dire qu’il a trouvé la vraie vie en vivant avec les ours et que celle-ci fait partie de sa mythologie. Et ce personnage, ce destin nous donnent beaucoup à réfléchir au sujet de la bonne façon, surtout de la mauvaise façon d’aimer et de servir les animaux. "

Cette chronique m'a vraiment interpellée...