Comment aborder la mort, celle d'autrui mais aussi et surtout la sienne ? On en connaît rien, on la fantasme beaucoup, on la redoute,on la dénie voire on l'attend... En quoi et dans quelle proportion notre culture s'ingère-t-elle dans notre façon de l'appréhender, de la rejeter ou de l'absorber voire même de la sublimer.

On jure tous de ne jamais accepter d'en arriver à l'état de légume, et pourtant on ne sait pas comment faire et on finit par subir, plus ou moins consciemment, sa souffrance, sa représentation et son image...
Comment rester maître et responsable de sa vie et donc de sa mort alors même qu'on n'a plus forcément les capacités ni physiques ni parfois intellectuelles d'être acteur ? Personne, en bonne santé mentale et physique, ne choisirait, en effet, de s'emmerder sans occupation, sans échanges, jour après jour, nuit après nuit, d'être un légume tout en souffrant de douleurs multiples et tout ça, souvent, dans un "mouroir" désobligeant... !
Pourquoi dans les faits, c'est encore un "classique", et pourquoi il y a finalement encore tant de gens concernés par ce "vivre jusqu’au boutiste" ? Serions nous dans une géronto-société à ce point amnésique et masochiste ?
Et je ne parle même pas de l'individu lambda qui souhaiterait en finir parce qu'il a jugé par lui-même que sin heure était venue, sans être pour autant souffrant, dépressif ou autre...

La réalité, la vérité, c'est qu'on n'a pas le choix. Et c'est ce qui me révolte. Cela ne date pas d'aujourd'hui ni de la situation délicate actuelle de Mamie, j'ai cette réflexion depuis déjà longtemps, en m'interrogeant sur la liberté individuelle d'en finir, le droit de mourir dans la dignité, ou quand on veut comme on peut.
Je me suis donc interrogée sur le suicide, outre les considérations culturelles et philosophiques, concrètement, comment s'y prendre sans que ce soit non plus absolument synonyme de violence et de radicalité ? Parce qu'à part se jeter sous un train, par la fenêtre, se mettre une balle dans la tête... il n'y a pas vraiment moyen d'organiser sa sortie de manière "douce" sans risquer de prendre le risque d'en réchapper, avec plus ou moins de séquelles... Il existe bien, à l'étranger, des assos qui sont prêtes à t'aider mais il faut souscrire à des critères très exclusifs, genre être en phase terminale d'une maladie incurable... ou alors, je ne sais pas, avoir à faire - avec du pognon - à un tireur à gages... Tu ne peux donc pas te pointer, la fleur au fusil, en disant que l'heure est arrivée et que tu en as assez et que tu souhaites juste trépasser en toute conscience de cause !

Si le fait de se donner la mort est encore jugé comme un acte négatif, un acte de faiblesse, en tous cas un tabou, la gestion et le contrôle de celle-ci par soi-même reste tout simplement inacceptable, même pas pensable dans nos sociétés occidentales. La vie à tout prix est promue comme une évidence, une reconnaissance (à qui ?), une fin en soi voire un don (de qui ?)... d'où la mise en œuvre de procédés que j’appellerais moi "décadents" tels que le jeunisme, l'hygiénisme, etc.

Alors on promeut le sport, le bio, le cosmétique, le vélo électrique, le bien-être, le no-stress, le bio-éthique, le bénévolat, la sophrologie, le paddle-beach-walk, le temps, le "natur pur' comme disent les Allemands... un pack d'épanouissement quoi !! Alors que, parallèlement, on sucre les retraites, on force les séniors à toujours plus se précariser, à remplacer ou compléter les effectifs des caissiers et autres baby-sitters... Mais qui donc aborde aujourd'hui son 4e âge en toute sérénité et quand je n'évoque pas déjà le 3e âge anticipé... ?
Vaste sujet éthico-philosophico-quelquechose mais surtout cultuel et hélas trop sociétal ! Cela dit, c'est très ambivalent car on a aussi parfois - dans le passé - glorifié le suicide comme un exploit, une vraie valeur (qu'en est-il donc des saints, des martyrs, des Romantiques ?)...

Pour en revenir à Mamie, par ex., cela m'invite à creuser la question de l'euthanasie. Je suis allée voir au cinoche "Dallas Buyers Club" dont j'avais entendu une très très bonne critique, notam. l'interview du réalisateur Jean-Marc Vallée dans l'émission du samedi matin "On aura tout vu"... Et bah, c'était super, vraiment vraiment..., j'en suis sortie assez bouleversée mais dans le bon sens du terme, avec tout plein de réflexions... Parmi elles, la relation à la mort et à la vie ; comment dans un même monde, on peut à se point vouloir 1) se battre pour (sur)vivre et 2) vouloir mettre fin à sa vie, en tous cas adopter un comportement suicidaire, deux cas où l'on est acteur de sa vie - ou bien 3) être dans l’incapacité de se battre pour l'un ou pour l'autre (comme Mamie) et subir...

Je m'interroge aussi beaucoup sur l'incidence d'un "accident mortel" auquel on réchappe et qui fait voir, fatalement, la vie autrement...