Yeahhh, alors celle-là, j'avoue que j'aurais voulu, j'aurais pas pu...

Cela se passe à mon taf, mercredi à 15h35, ma responsable envoie un courriel à l'équipe : " Juste un gentil rappel : la réunion du bureau du GIS aura lieu à la cave demain à partir de 9h30. Je ne pourrai pas être là avant 9h30. Ceux ou celles qui seront là avant, si vous voulez bien installer les gens en bas. Et si vous vous sentez l’âme généreuse, vous pouvez leur offrir un petit café "

Dans l'après-midi, elle traverse mon bureau et s'adresse à moi - uniquement - pour le café. Sous-entendu, je suis bien placée puisque, c'est de notoriété que j'arrive tôt. Mais entre 9h et 9h30, tout le monde peut se mettre à la tâche ! Je l'ai mauvaise mais je ne moufte pas... Qui ne dit mot consent. Alors ça jase un peu entre nous. D'aucun dit qu'elle a des circonstances atténuantes, bah oui, quand on est enceinte, on ne peut pas faire le café et l'emporter avec des tasses en plus... D'autre me rétorquent que Cuba n'a visiblement pas suffi à m'insuffler une âme de rebelle...

La journée s'étiole et s'achève sur ce gimmick du café.

Le lendemain matin (il faut rappeler le contexte de grèves dont, en tant que banlieusarde, je pâtis plus que mes collègues... ), j'arrive quand-même vers 8h45 et je fais le café, comme d'hab j'allais dire et donc sans mauvais esprit. Puis je vaque, les collègues arrivent...

Ma responsable arrive, me demande si j'ai fait le café, oui oui, c'est bon, ça va... Quelques minutes après, elle revient et me redemande si j'ai bien fait le café en me montrant une tasse remplie d'un café... comment dire, extrêmement clair. Zut, j'ai oublié de mettre le café ! Ouf, ouarf, oups, grrr, que dire, bah, désolée, alors là, vraiment, j'sais pas quoi dire, pas fait exprès... !!!

Et là, elle repart, faire le café elle-même - bah oui, on n'est jamais mieux servi que par soi-même - et tout le monde de s'esclaffer, quel acte manqué !! Finalement, Cuba a fait son effet, inconsciemment !!

Entre temps, une stagiaire a été missionnée par la même responsable pour aller acheter des chouquettes. Celle-ci revient avec et nous en proposent. La responsable lui tombe sur le paletot en lui disant " On va les donner à la réunion avant d'en donner à tout le monde " !. A ce moment-là, je suis dans le bureau d'Abder (enfin, mon ex-bureau) et elle lui propose quand-même une chouquette mais pas à moi. Privée de chouquette !! Ça tombe bien, j'suis au régime.

Alors dans tout ça, quelle est la définition exacte de l'acte manqué ? Accident ou symptôme d'un désir refoulé ? Selon Freud qui a introduit la notion au début du XXe siècle, ce ne sont pas des " accidents " car rien, dans la vie psychique, n'arrive par hasard.

Quelques exemples classiques d'actes manqués : les oublis, comme les lapsus, les faux-pas, les maladresses, oublier de se rendre à un examen, perdre ses clefs de voiture le jour du départ, multiplier les lapsus lors d’un discours, tomber en panne d'essence en allant à un dîner chez les beaux-parents, etc.

La volonté consciente de faire quelque chose se trouve alors perturbée par un désir, à demi inconscient, de faire autre chose. Et l’on en arrive à cette excuse, maintes fois formulée : " Je ne sais pas comment j’ai pu oublier notre rendez-vous ? " Nous commettons tous des actes manqués. Seule leur répétition, traduisant une conduite d'échec, doit amener à s'interroger.

Mise en situation : prenez l'exemple d'un acte manqué vous concernant ; qu'avez-vous accompli par cet acte manqué ?

Ah, c'est justement là que ça se complique... Parce que bon, aussi cocasse soit-il, mon acte manqué du café peut facilement s'expliquer mais, en revanche, comment expliquer le fait d'avoir oublié ma carte CB soigneusement rangée à sa place dans mon porte-monnaie en France - en partant à Cuba ?? Mazette, Gast, faut que je me fasse soigner !

Freud. Psychopathologie de la vie quotidienne, ch. 7 "Oubli d'impressions et de projets". Trad. S. Jankélévitch, Payot, 1975, p. 163.