Qui est Charlie ? E. Todd, Paris, Fayard, mai 2015. Tout a commencé là, vous savez, avec le dernier buzz médiatique autour d'Emmanuel Todd (1) et de la sortie (avant même) de son nouveau bouquin Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse (2) le 7 mai, soit 4 mois après les attentats à Charlie Hebdo.

L'Obs, Libé et France inter... et c'est là que j'embraye moi, avec Le billet de Sophia Aram (3), d'abord. L'humoriste ne se reconnaît pas, en effet, dans les chiffres d'Emmanuel Todd sur le 11 janvier qui voudraient « que les musulmans n'aient pas manifesté, qu'ils ne comprennent rien à la laïcité ». Touchée et concernée, je poursuis donc avec l'ensemble de l'intervention d'Emmanuel Todd dans La matinale du 7/9 (4).

C'est vrai qu'a priori, comme ça, rien que dans ses réactions, je ne l'ai pas trouvé très sympathique et encore moins convaincant, le Todd... Ici, il évoque une « machine Fourest »... oui, elle s'appelle Caroline ! Et puis là, il insiste lourdement sur le fait que « Patrick Pelloux n'est pas un gros cerveau » (5)... des propos qui, tout au moins sur le ton et la forme, ne me le font guère prendre au sérieux, le Todd... et renforcent même mon sentiment d'antipathie. C'est pourquoi cela m'a inspiré ce billet car je le connaissais d'avant, le Todd, au moins de réputation, dans un autre registre, plus scientifique, plus universitaire, plus académique, plus respectable quoi !

J'en arrive petit à petit à l'article « "Qui est Charlie ?" : Emmanuel Todd et ses méthodes » sur Mediapart (6) où je comprends et redécouvre tout le sens de la locution latine ad hominem fort appropriée à ses « colères radiophoniques » qui in fine ne donnent pas envie du tout de lire son ouvrage ! De l'art d'user de l'argument de rhétorique consistant à confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes et qui est devenue, aujourd'hui, une manœuvre malhonnête pour discréditer des arguments adverses, sans les discuter eux-mêmes, mais en s'attaquant à la crédibilité (paroles, actes, physique, etc.) de la personne qui les présente (Wikipedia).

« ...Si l’homme n’avait pas, derrière lui, un long travail fondé sur l’analyse des systèmes familiaux (...) Difficile donc de balayer le dernier ouvrage du chercheur, même si l’on peut être, par avance, lassé des saillies du polémiste qui délégitiment trop souvent les intuitions de l’observateur fin qu’il peut aussi être. Si le lecteur est donc prêt à, parfois, se pincer le nez ou se frotter les yeux, et à passer ainsi sur la manière dont Todd réduit sans beaucoup d’arguments la plus grande mobilisation de l’histoire française depuis 1945 à une « imposture », une « hystérie collective » et un « happening européiste », l’ouvrage Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, demeure intéressant » (6).

Là-dessus, je surfe, je tournoie, j'erre et je lis le billet de Seb Musset, « La tentation toddophobe », consacré au sujet et qui rejoint les analyses ci-dessus (7). Lui aussi se refuse, en tant que manifestant du 11 janvier, à se faire « classer avec 4,5 millions de personnes dans la rubrique xénophobe potentiel, islamophobe en puissance, antisémite en devenir et pro-Maastricht évident ». Ah, j'adore le Seb avec ses formules qui tuent : « Dans un publireportage de je ne sais plus quel JT suce-boules, en duplex depuis la stratosphère, Emmanuel et Manuel sont fiers d'eux » (8). Oui oui, je m'égare, il s'agit d'autre chose... mais y en a chez qui le fond sauve et induit la forme !!

C'est alors que je tombe, parmi d'autres, sur deux commentaires de Frédéric Boullet sur la page facebook de Seb Musset à l'endroit de l'article sur Todd (9). C'est le ton un peu décalé, radical ou violent qui me rend curieuse. Mais bon, au final, ses propos sont peut-être très intéressants mais trop indigestes... En revanche, j'aurais eu la joie et la surprise d'apprendre un nouveau mot... encore... dans cette phrase que je cite ici brute et hors contexte : « (...) les p'tits mesquins que je connais et représentatifs d'un courant plus général, se répandre au top de leur imposture, au top de la dégueulasserie la plus sophistiquée, drapés dans leur émotion-personnelle-qui-les-atteint-eux. Centrés sur eux-mêmes. Solipsistes. (...) ».

Ah bah voilà, on y arrive ! So-li quoi ? So-li-psi-ste ! Du latin solus, seul et ipse, soi-même ! C'est-à-dire, « un sujet pensant pour qui il n’existe pas d’autre réalité que lui-même » (Wiktionnaire). « Une conception selon laquelle le moi, avec ses sensations et ses sentiments, constitue la seule réalité existante dont on soit sûr » (Larousse.fr).

Alors là, je suis désolée, il me manque des neurones et, comme dirait ma reum, des connexions de synapses défectueuses... car, en dépit de ces définitions, je ne pige toujours pas... Qu'à cela ne tienne, je peux compter sur Wikipedia pour m’éclairer : « le solipsisme est une « attitude » générale pouvant être théorisée sous une forme philosophique et non métaphysique (...). La question ici ne relève d'abord pas de « l'esprit », mais d'une constatation que le « moi », ou l'ego, est la seule manifestation de conscience dont nous ne puissions pas douter (voir Descartes). Seul l'ego peut donc être tenu pour assurément existant et le monde extérieur avec ses habitants n'existe dans cette optique que comme une représentation hypothétique, et ne peut donc pas être considéré, sans abus de langage, autrement que comme incertain. Il pourrait s'agir seulement d'une position épistémologique « constructiviste ». Si on l'envisage aussi sur un plan ontologique, on se rapproche alors quelque peu du « pyrrhonisme » puisque la connaissance de quoi que ce soit d'extérieur à soi-même ne reste qu'une conjecture incertaine ».
Oui, non, d'accord, peut-être... alors en gros, si je résume, le solipsiste, c'est juste un gros mytho !!! Aaargh, JE DÉCROCHE !!

Je saute du coq à l'âne mais cela me fait penser à un autre mot, tiens, que j'ai appris tout récemment en lisant le fameux « Bénachou » (!! hé oui, l'utopie s'est réalisée... j'ai fini par finir l'infinissable !!)(10). Il s'agit du terme « acrostiche », du grec akrostikhos (akros, haut, élevé et stichos, le vers), qui est « un poème dans lequel les initiales de chaque vers ou, parfois, les premiers mots d'une suite de vers, lues verticalement de haut en bas, composent un mot ou une expression en lien avec le poème. » (Wikipedia).

Bon ben voilà, j'en termine... et vous voyez qu'au-delà de mon billet sur Todd, j'ai dû m'acoquiner avec plusieurs mots de la langue française, issus du latin et du grec... Et on veut supprimer quoi déjà dans les nouveaux programmes de l’Éducation nationale ? Ok ok, j'y vais à la va vite, je fais des raccourcis mais bon... c'est pas mon sujet non plus ! Bon, en tous cas, je me permets juste une incise fulgurante pour dire qu'on peut effectivement se demander à quoi ça sert le grec ? et le latin ? et l'allemand ? Comme Joann Sfar réagissant à la Lettre de Jean d'Ormesson au président, j'aurais tendance à dire « ça sert à lire des livres en français, à les mettre en perspective, à en deviner l'architecture. D'où je parle, moi qui ne connais aucune de ces trois langues ? J'aime bien savoir qu'elles existent ! Et que beaucoup d'autres les connaissent pour moi » (11)... mais c'est tout un autre débat...

Icône main SOURCES :

(1) Emmanuel Todd : démographe, anthropologue, historien, politologue et essayiste (bio et biblio sur FI).
(2) Emmanuel Todd, Qui est Charlie ? Sociologie d'une crise religieuse, Paris, Seuil, Essais, mai 2015, 252 p.
(3) "Chkoune Charlie", Le billet de Sophia Aram dans le 7/9 du lundi 7 mai 2015 à 08:55.
(4) "L'invité" du 7/9 par Patrick Cohen le 7 mai 2015 de 8:21 à 8:34.
- "Ce qui m'inquiète le plus, c'est la montée de l'antisémitisme" ;
- "Le pays est dans un état de vide métaphysique".
(5) "Patrick Pelloux n'est pas un gros cerveau", Le Journal du matin du 6 mai 2015, RTS.ch, radio La 1e Suisse romande.
(6) "« Qui est Charlie ? »: Emmanuel Todd et ses méthodes", Joseph Confavreux, Mediapart, jeudi 7 mai 2015.
(7) "La tentation Toddophobe", Après l'abondance. Le blog de Seb Musset, lundi 4 mai 2015.
(8) "Les fantasmes économiques d'Emmanuel et Manuel", Après l'abondance. Le blog de Seb Musset, dimanche 12 avril 2015.
(9) "Charlie Hebdo", blog Dessins de Fred Boullet.
(10) Georges-Marc Bénamou, Comédie française, Paris, Fayard, octobre 2014, 336 p.
(11) "Lettre ouverte au président de la République et aux « Attila » de l'éducation", Jean d'Ormesson, Figaro, Vox Société, 8 mai 2015. "Message de Joann Sfar" sur sa page facebook, 8 mai 2015.