Et voilà, c'est fait, sur la Seine à Triel, près de Poissy.
On est samedi, il fait beau et chaud, très chaud. J'ai accompagné Gaëlle, une de mes coéquipières de polo, qui fait du ski nautique dans ce petit coin de nature huppé depuis 8 ans.

Plus on approche, plus j'angoisse (un peu), comme à chaque fois que je tente quelque chose de nouveau et que je ne connais pas : quel est le degré de difficulté, quels sont les risques réels, etc. ? Gaëlle me rassure, ça reste un plan d'eau stable, calme et sans obstacle... rien à voir avec le kayak !

Petit exercice à terre pour m'expliquer comment sortir de l'eau au démarrage ; ça va être dur de ne pas avoir le cul en arrière, de garder les bras tendus et de me relever le buste droit et les nibards en avant ! J'acquiesce la théorie.

Et voilà, on me donne une paire de ski, ce sont des bi-skis, un pour chaque pied ; pour un baptême, c'est conseillé. On monte sur le bateau, j'enfile le gilet de Gaëlle, les chausses en caoutchouc des skis et me lance à l'eau depuis la toute petite plate-forme arrière du bateau. Les skis flottent et si bien qu'ils me déséquilibrent. Je rejoins la barre fixée sur le côté gauche du bateau qui facilite grandement les débuts d'une novice comme moi. C'est parti. 1) à la barre 2) avec le petit palot ou paleteau ? ah non, pardon, c'est plutôt "palo" de "palonnier" ! accroché à la barre 3 ) et puis avec le long palo, le normal, celui qui a toute l'aisance d'aller où il veut latéralement derrière le bateau...
Progression réussie ! Je ne suis pas peu fière, j'ai même réussi à non seulement démarrer, sortir mon cul de l'eau, puis à aller à droite, à gauche, sortir de la trace et même, à un moment, j'ai pas pu m'empêcher de tenter un petit saut sur une vague... :) ! Au bout d'environ 10 minutes, à 30 km/h pour une débutante, hé bien, ça suffisait bien. En fait, ça tire vachement dans les bras et le bas du dos, c'est assez physique, on ne croirait pas comme ça. En bi-ski, la vitesse du bateau est adaptée au gabarit du skieur et se situe généralement entre 15 km/h (très jeunes skieurs) et 40 km/h. Contrairement à une croyance répandue, la vitesse du bateau n'augmente pas forcément proportionnellement au niveau du skieur, mais ce dernier cherchera plutôt ici à se tourner vers d'autres disciplines, tel que le slalom ou les figures.

Je remonte dans le bateau et c'est au tour de Gaëlle, l'accroc du ski (en période chaude, elle y va genre tous les soirs et là, elle y était déjà ce matin et puis elle y retourne demain... mais bon, y a d'autres facteurs sur lesquels je reviendrai plus tard...). Elle, elle fait du mono, plus dur mais plus économique ! Bah oui, ça prend moins de place car elle n'a qu'un seul ski mais contrairement au monoski de neige, les deux pieds sont sur le même axe, l'un devant l'autre (squale en neige ?). Le démarrage est bien plus délicat et demande naturellement un peu d'expérience. En fait, c'est du slalom qu'elle fait, l'une des trois épreuves de ski classique avec le saut et les figures. Moi, évidemment, je n'ai aucune compétence d'analyse mais les autres membres du bateau, moniteur et conducteur, commentent sa performance... elle a l'air de bien assurer mais elle ne plie décidément pas assez sa jambe avant !! Fléchis bon dieu !! Oui, c'est bien ça, belle accélération ! Je crois que toute la difficulté est de réussir à avoir un max d'accélération indépendamment de la vitesse du bateau qui lui, va tout droit. En slalom, petit à petit, non seulement on augmente la vitesse mais on réduit la longueur de la corde donc le skieur est de plus en plus obligé d'aller chercher la bouée en se couchant sur l'eau...

J'apprends aussi que le bateau de ski nautique est adapté : il mesure entre 4 et 6 mètres, il est motorisé par des moteurs V8 de 300ch ou plus de puissance, pour le couple du moteur qui permet des accélérations franches au démarrage puis le maintien d'une vitesse constante malgré la traction du skieur, qui peut être très forte en slalom. Par ailleurs, il présente un plan de pont très dégagé, avec un poste de pilotage avancé. Enfin, les œuvres vives du bateau ont une forme particulière, afin de créer un sillage le plus plat possible. Ce dernier point distingue les bateaux de ski nautique et ceux de wakeboard, qui doivent créer une vague de sillage haute afin de permettre des sauts. Alors, ici, dans le club de Gaëlle, comme ils n'ont qu'un seul bateau plutôt pour slalom, ils embarquent le plus de monde possible quand ils font du wake pour gagner en poids et créer des vagues.
World Games, Cali, Colombie, août 2013 ©Tous droits réservés par International World Games Association World Games à Cali en Colombie, août 2013 ©Tous droits réservés par International World Games Association.

Alors, heureuse ? Évidemment ça m'a plu et finalement, je n'ai pas trouvé ça si dur. C'est assez grisant et j'ai touché des pieds les sensations de glisse, de vitesse très comparables au ski hivernal. J'aurais vite envie de gagner en vitesse et de faire des figures...
World Games, Cali, Colombie, août 2013 ©Tous droits réservés par International World Games Association World Games à Cali en Colombie, août 2013 ©Tous droits réservés par International World Games Association.

J'aurais envie, oui, de continuer, pour le plaisir de la glisse, le potentiel de progression, l'environnement agréable, la campagne pas loin de Paris, les vacances au quotidien quoi ! Mais bon, quelque chose me retient... le prix (35 € le baptême), le principe et l'éthique pour utiliser les grands mots. Au-delà du réel plaisir que j'ai pu éprouver lors de ce baptême, je doute d'avoir envie ou de m'autoriser à persévérer...
Ça reste un "sport à moteur", ce qui va à l'encontre de mes pratiques personnelles, on va dire ça comme ça. Comme le jet ski, le quad, etc. Bon, allez, je conçois que le ski nautique a plus d'envergure quand-même que ce que je viens de citer, il y a quand-même une notion de sport, de dépassement physique et pas être juste le cul sur un moteur...
Gaëlle me dit qu'en terme de coûts, elle n'est pas sûre qu'à l'année, ça lui revienne plus cher que le kayak. Peut-être, mais pour le kayak, je paye surtout l'accès à la pratique d'une activité nature (trajet, essence, péage, temps, énergie) même si, conséquence directe, cela en fait une activité de luxe non écolo, surtout lorsqu'on habite en région parisienne... Je cherche par là à accéder à une nature "sauvage" où je vais me mouvoir grâce à son énergie naturelle et à ma propre force motrice, dans des coins parfois inaccessibles autrement et c'est ça que je paye, le luxe sportif et touristique de cette activité. Or, pour le ski nautique, si je n'en nie aucunement le caractère sportif et le plaisir qui en résulte, on paye essentiellement l'essence pour le pratiquer sur un plan d'eau qui ne bouge pas et pour une session de plus ou moins 10 minutes. On en fera sur la Seine ou ailleurs, peu importe, c'est pas ça l'intérêt.
Cela dit, c'est comme le ski d'hiver voire pire encore... où l'on accepte de participer à l'industrialisation du domaine skiable en dénaturant la montagne et en payant les remontées mécaniques pour pouvoir descendre les pistes.

Rien de parfait, paradoxe et déontologie, difficulté de mettre en adéquation des principes, des idéaux et sa pratique réelle de loisirs.
Bon, après, il faut prendre ça dans un tout car, comme pour le kayak, c'est pratiqué avec des gens, dans un club, avec une vie collective, une ambiance, une famille, des à-côtés, etc... et c'est pour ça que Gaëlle y est fourrée non stop 6 mois de l'année, c'est surtout pour boire un coup sous la tonnelle... !